Protection des parents (2)
Tuesday 08 May 2007
Je vous écris en réponse à ma dernière lettre du 04/05, portant le nom « la protection des parents ».
Vous avez raison je crois que je protège vraiment fortement mon père. Mais quand il m’a mise à la porte à 19 ans et demi, je n’ai pas eu le choix que d’enfouir au plus profond de moi ma peine et tous mes sentiments qui m’avaient fait souffrir pendant des années comme la douleur d’être rejetée par mon père sans savoir pourquoi, de provoquer sa haine et sa colère sans savoir pourquoi, d’être accusée par lui d’avoir commis les pires fautes comme si j’étais une délinquante, car je devais m’en sortir pour trouver un toit.
Après m’être sentie si mal pendant mon adolescence et d’avoir connu le désespoir le plus profond (j’ai fait une dépression à l6 ans et j’avais des idées de persécution) , quand il m’a mise à la porte j’avais enfin l’opportunité de vivre MA vie. Mais je n’ai trouvé personne de compréhensif, alors j’ai cru au mensonge que tous les sentiments négatifs que j’avais ressentis quand je vivais avec mon père étaient de mon fait et que je pouvais faire en sorte que plus jamais je ne les ressente en ne mettant plus dans de telles situations de violence comme dans mon lycée où j’étais le bouc émissaire de ma classe. Mais je me rends compte que si j’avais eu un père aimant, je ne me serai pas comportée de la sorte avec les autres et ainsi je n’aurais pas attiré l’attention de ces filles qui m’ont prises pour leur souffre-douleur. Ou si elles m’auraient attaquées je me serais défendue, et jamais je ne serai entrée dans une telle situation de harcèlement qui a duré 4 ans. Je crois que inconsciemment je provoquais la haine et le rejet chez les autres, comme en abréaction de celle de mon père, je reproduisais le même schéma que j’avais à la maison . Je me souviens que j’avais constamment peur d’être agressée par les autres, ce qui arrivait tout le temps car dans mon entourage il n’y avait personne d’empathique, qui a cherché à me comprendre. De plus toute ma famille donnait raison à mon père. J’étais terrifiée par lui, c’était un calvaire que de vivre avec lui. J’avais peur de sa prochaine explosion de colère, de ses prochains coups. Je faisais tout pour les éviter mais ça ne marchait pas, et ce que j’avais le plus peur, à savoir être confrontée à sa colère arrivait à chaque fois, sans jamais pouvoir lui échapper. Je ne vivais plus, j’étais en mode survie.
Ce qui est le plus dur c’est le déni total actuel de mon père par rapport à la maltraitance qu’il m’a fait subir. Il regrette de ne pas avoir su être plus sévère, que je lui ai fait perdre confiance en lui en défiant son autorité. Il pense que si cela tellement dégénéré entre nous, c’est parce qu’il n’aurait pas été assez sévère avec moi !!
Ca c’était pendant mon adolescence, et mon enfance qui n’était pourtant pas bien gaie me semblait rose et idyllique car à ce moment là mon père ne me détestait pas autant.
Mais pendant mon enfance, il y avait ce rapport de séduction comme s’il cherchait à me séduire. Et souvent, il me filmait en cachette, ou me faisait peur volontairement quand j’étais en train de jouer avec mes poupées ou autres jeux enfantins. Et puis il y avait ses nombreuses raclées quand je ne mangeais pas assez vite.
Aujourd’hui je sens bien que je suis coupée de mes véritables sentiments et que ça peux être dangereux pour moi mais je n’ai trouvé aucun témoin lucide, j’ai bien essayé plusieurs psy mais en lisant vos livres je me suis rendue compte qu’elles favorisaient mon refoulement plus qu’autre chose.
Je me rends compte aussi que je fonctionne comme si je dois prouver que je ne suis pas nulle aux yeux des autres. Et que j’essaie de réussir dans ce que mon père aimait bien ou me “transmettait”, par exemple, je fais du tennis car mon père m’avait forcé à en faire quand j’étais petite. Et ça aussi je crois que c’est une façon de renforcer mon déni.
Le fait aussi de vouloir être institutrice peut avoir un lien avec mon père, car lui me poussait pour que je passe mon BAFA et être éducatrice de jeunes enfants. De plus, il aimait bien être avec les enfants et aurait bien aimé être instituteur.
Après que mon père m’a mise à la porte, mes grands-parents (maternels) se sont occupés de moi, mais ils ne m’ont jamais apporté l’aide et la compréhension que j’avais besoin. Mon grand-père a toujours voulu que je m’en sorte, que je m’accroche pour m’en sortir dans la société, mais il a toujours nié ma douleur face à la violence de mon père.
Et je crois que je me force à réussir socialement, à avoir un comportement qui privilégie ma performance et ainsi qui enfouit tous mes véritables sentiments par rapport à mon père, ma peur d’échouer car je sais que si j’y pense, je ne pourrais pas réussir.
Mais j’ai l’impression que ce n’est pas moi, que je n’existe pas vraiment.
J’ai pensé travailler l’année prochaine pour subvenir à mes besoins seule, car peut être sans mes grands-parents et cette obligation de réussir, mes vrais sentiments peuvent ressurgir. Mais peut être que cela est faux, que sans témoin lucide, ils ne ressurgiront pas .
Que pensez-vous de tout ça ? (je sais que je vous en avez déjà parlé dans une autre lettre de ma volonté de travailler mais j’ai encore besoin de vous en parler)
AM: Vous semblez vous demander depuis toujours comment “vous avez provoqué la haine et la violence de votre père”. Et vous essayez depuis toujours de “faire mieux”. Mais vous n’avez pas provoqué sa haine et ses perversions, leurs racines sont plus vieilles que vous. Une fois que vous aurez compris que vous ne pourrez rien changer dans son caractère, votre PROPRE vie sera nourrie PAR VOUS MEME et vous arrêterez d’attendre de l’amour d’un pervers. Parce qu’un pervers ne peut pas donner de l’amour. C’est ce que tente de vous expliquer votre symptôme. Écoutez-le.