La différence entre la mère d’hier et d’aujourd’hui

La différence entre la mère d’hier et d’aujourd’hui
Wednesday 02 April 2008

Bonjour Brigitte,

“…et pour cela vous avez besoin d’un thérapeute qui ne vous mène pas dans le piège et la confusion des propos “sur la maman d’aujourd’hui” parce que c’est la mère d’hier qui vous a empêchée de vivre libre…”

Votre réponse concernant la « mère d’hier » et la « mère d’aujourd’hui » me rassure ! J’ai trouvé ce concept « nébuleux », en ce qui me concerne toujours. Je me souviens quand ma thérapeute m’a dit : « c’est la mère d’hier que vous haissez n’est-ce pas ?», j’a répondu, surprise : « non, je hais aujourd’hui la personne qui m’a fait tant de mal ! Que ce soit hier n’y change rien ! » J’ai ressenti de la colère envers la thérapeute et un malaise que je n’ai pas réussi à nommer vraiment. Je me suis sentie “manipulée”, comme si la thérapeute voulait m’emmener quelque part “pour mon bien”, me sortir de la haine, me ramener au “présent” peut-être. Je me suis sentie vaguement coupable (de quoi ? De hair la femme d’aujourd’hui ? Celle d’hier ?) Aujourd’hui, j’ai l’impression que derrière se cache sournoisement la fameuse notion du « pardon ». Comme s’il m’était impossible de vivre sans pardonner. Or, aujourd’hui toujours, je ne peux pas pardonner, je le vis comme une trahison envers la petite fille que j’ai été et qui a tant souffert. Je n’ai pas compris ce que ma thérapeute voulait dire par là. Je trouve ça perturbateur comme vous le dites. Est-ce qu’il existe une frontière entre la mère d’hier et la mère d’aujourd’hui qui forcément a vieillit, qui est moins dangereuse puisque je suis adulte ? Est-ce que c’était un moyen de m’aider à “m’arracher” du passé, à réaliser que ma mère (d’aujourd’hui) n’avais plus de pouvoir sur ma vie ? En tout cas, c’est plutôt maladroit comme concept !

Pourtant c’est une thérapeute qui me soutient énormément, avec qui je me sens bien, avec qui j’ai avancé…mais parfois, au détour d’une séance, j’entends quelque chose qui ne me va pas du tout et j’ai peur parce que je me sens “seule”. Je peux lui en parler la séance suivante, fort heureusement !

Je me sens aussi soutenue sur votre site, j’y trouve souvent la réponse à des questions que je me pose et et je vous en remercie encore.

Bien cordialement

AM: Vous posez une question très importante, il s’agit ici de la “bonne mère d’aujourd’hui”: En quoi est-elle différente de la mère maltraitante d’hier?
Je pense que si une mère était auparavant sadique et perverse et qu’elle se transforme plus tard en mère empathique, aimante et honnête (ce que je n’ai jamais rencontré), elle devra avoir la sagesse nécessaire de pouvoir respecter la mémoire corporelle de son enfant.
Cela veut dire qu’elle n’oubliera pas les conséquences de sa brutalité d’auparavant, ne demandera pas d’amour et de pardon après ce qu’il s’est passé.
Elle laissera ses enfants adultes vivre librement la vérité de leur enfance maltraitée.
C’est grâce à cette honnêteté émotionnelle qu’ils regagneront leur santé.
Pour mieux comprendre cette dynamique, vous pouvez lire la postface de la nouvelle édition de “Chemin de vie” et le dernier chapitre de “Ta vie sauvée enfin”.

Réponse de Brigitte:

Votre corps a réagit de façon très claire et très saine aux discours de votre thérapeute et vous discernez très bien que derrière cela se cache la notion du pardon bien sur. La mémoire de la maltraitance chez l’enfant de jadis NE PEUT PAS accepter de se trahir encore dans ses sentiments, si tel est le cas c’est le prix du déni que l’on paie par la maladie. Heureusement que vous avez osé rester fidèle à cet enfant en ne vous laissant pas manipuler par ces concepts. BO

Merci à toutes deux pour vos réponses.

Madame Miller, je lirai vos deux livres cités avec plaisir. Je relis régulièrement les autres, car au fur et à mesure que j’avance dans la “clairvoyance”, je “vois” ce que je n’avais pas vu lors d’une précédente lecture.

La lettre de femme anorexique m’a vraiment interpellé, et je crois ouvert une nouvelle porte vers un immense soulagement

Je pense aussi que vous avez tout à fait raison : La parent ne peut pas être le bourreau et le sauveur. Il ne peut pas créer la souffrance chez sa victime et ensuite l’aider à en guérir.
Je crois aussi que la maltraitance (celle que j’ai vécu toujours) créée une cassure irrémédiable dans le lien avec le parent maltraitant. C’est ce que je viens de comprendre par rapport à ma mère (mon père est mort lorsque j’avais 1 an : le lien aussi à été brutalement interrompu, avant d’avoir pu être instauré) Croire le contraire, courir après une réparation (de son passé) nous/me maintient dans une dépendance malsaine et surtout, en ce qui me concerne, m’empêche de vivre MA vie : j’ai perdu du temps et de l’énergie à essayer de créer par tous les moyens un lien avec la mère d’aujourd’hui au lieu d’aller à la rencontre de nouvels gens qui peuvent m’aimer et m’accepter comme je suis.

Autre chose aussi qui me gêne, c’est le fameux : “elle t’a aimé / elle t’aime à SA manière”. Je le vis comme un leurre, un mensonge. Comme vous le dites, quand une personne a été empêché d’aimer dans son enfance, si elle ne fait pas un travail sur elle-même, si elle n’accède pas à sa propre vérité, alors elle ne peut pas aimer. Aujourd’hui je sais ce que veux dire aimer et être aimée, j’en ressens la chaleur dans mon corps, la douceur, l’émotion de bien être qui en découle, la joie, et je peux affirmer que ma mère ne m’a JAMAIS aimé, ne peut toujours pas m’aimer aujoud’hui. Cette phrase (elle t’a aimé à sa manière) est terrible parce que, quelque part, encore, elle induit une culpabililté, quelque chose du genre : “Alors si ma mère m’a aimé, je ne peux pas la détester ! “. Or le corps ne s’y trompe pas lui.

Je me sens plus légère depuis trois jours. Pourtant ma vie n’a pas changé, pour le moment je vis toujours seule avec mon fils, sans “amoureux”. Mais je crois que la vérité sans fioriture, sans faux-semblant me soulage (surtout de la culpabilité).

J’espère pouvoir un jour répondre aux “je t’aime ma fille, même si je ne sais pas te le montrer” (qui me culpabilisaient énormément) de ma mère par un “C’est trop tard”, c’est fini. ll n’y a plus rien à faire” que je ressens profondément aujourd’hui.

Merci beaucoup à vous et à Brigitte, vous êtes vraiment formidables.