Qui sont les tueurs ?
Wednesday 14 January 2015
Trois hommes dont deux frères ont assassiné 17 personnes, froidement sans état d’âme. Trois hommes totalement déterminés à accomplir ce qu’ils avaient planifié avec une minutie presque «professionnelle».
Lorsque l’on va s’intéresser à leur profil, à leur histoire on va comme pour Mohamed Mehra comme pour Mehdi Nemmouche découvrir l’environnement sordide et violent dans lequel s’est déroulée leur enfance leur petite enfance et leur adolescence.
On va découvrir aussi qu’à aucun moment de ce premier parcours de vie, ils n’ont rencontré de témoin secourable qui ait pu prendre leur défense ou leur offrir un regard ou un appui qui soient humanisants et emphatiques et leur fassent comprendre que ce ne sont pas eux mais leur entourage qui est toxique.
Comme ils ne sont pas autorisés à se défendre, ils devront supprimer leur colère et leur rage contre leurs parents qui les ont humiliés, qui ont tué leur altruisme et leur empathie innés et qui ont insulté leur dignité. La haine que ces enfants vont emmagasiner dans une totale solitude va constituer une véritable bombe à retardement.
Ils sortiront cette rage plus tard, en tant qu’adultes sur des boucs émissaires peut- être leurs enfants ou bien d’autres adultes notamment par la délinquance ou le terrorisme.
Ils deviendront eux-mêmes les proies faciles du prosélytisme et de l’extrémisme qu’il se présente sous un habillage pseudo religieux ou politique. La logique sectaire qui est le mode de fonctionnement de ces groupes extrémistes va les prendre au piège. Ils vont enfin avoir l’occasion de se sentir importants, puissants, et gratifiés par une idéologie qui valorisera leur mépris de la vie et leur désignera leurs futures victimes. Ils trouvent enfin une issue à leur haine.
Nos responsables politiques veulent une fois de plus charger l’école de « transmettre les valeurs de la république et du respect de l’autre ». Alors que c’est bien en amont que l’action doit être conduite, là où l’enfant se construit, notamment dans son environnement familial.
1 – En France, les enfants battus, humiliés sont livrés à leur tortionnaire (souvent leurs parents) sans être réellement protégés. Rappelons simplement, ce que tout un chacun refuse de retenir : deux enfants décèdent tous les jours sous les coups de leurs parents d’après une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) menée par le Dr Anne Tursz et son équipe
Notre société fonctionne de manière tout à fait cynique. Les plus faibles sont les victimes désignées d’un fonctionnement économique et politique qui valorise le chacun pour soi et l’accumulation de richesses. L’indécence affichée d’un système qui organise les inégalités et glorifie une logique financière destructrice de l’humain et de l’environnement et qui nourrit la désespérance. Quel sens peuvent avoir les notions de liberté, d’égalité et de fraternité pour tous ceux et celles qui sont les victimes de ce système totalement mortifère ?
Cette société fonctionne à grande échelle comme une famille où les besoins fondamentaux de ses membres les plus fragiles sont méprisés et balayés. Comment dans ces conditions vouloir endiguer la fabrique de futurs délinquants ou criminels ?
Le choix de la répression et du tout sécuritaire ou des leçons d’instruction civique à l’école n’empêcheront pas de nouveaux poseurs de bombes de germer dans cette société bien malade tant que le déni de l’origine de la violence et de la destruction de la vie ne sera pas démasqué.
« Il y a, en tout massacreur ou terroriste, aussi terrible soit-il et sans aucune exception, un enfant qui fut autrefois gravement humilié, et qui, pour survivre, a dû totalement nier ses sentiments de complète impuissance. Mais ce déni radical de la souffrance endurée a entraîné un vide intérieur, et, chez beaucoup de ces êtres, un arrêt du développement de la capacité innée de compassion.Détruire des vies humaines, y compris la leur, réduite à l’état de vide, ne leur pose aucun problème. » 2 Alice Miller
Jean Pierre Thielland
2 – Alice Miller Les racines de l’horreur dans le berceau . http://www.alice-miller.com
Réponse de Brigitte
Par cette horrible barbarie, nous avons encore une fois l’occasion de nous poser la question : « Comment devient-on un terroriste ? ». De la même façon qu’Alice Miller nous a démontré comment Hitler est devenu le plus grand criminel au siècle dernier.
Le terreau dans lequel ont grandi tous ces hommes devenus des barbares, était des plus cruel et des plus humiliant. Par ces abominables traitements qui ont détruit toute forme d’humanité en eux, la délinquance est la voie toute tracée pour se délester de la haine qu’ils ont accumulée durant ces années d’atrocité.
De la délinquance au crime ensuite, il n’y a qu’un pas, celui dont tout le monde parle et accuse sans toucher vraiment à la racine du mal : «les mauvaises rencontres, l’endoctrinement, l’influence et la manipulation en milieu carcéral». Mais pour devenir un délinquant ou un être influençable et facile à manipuler pour se transformer en tueur de masse, il faut être fragilisé à sa base, au niveau du terreau dans lequel on s’est construit.
Il est urgentissime que les responsables de cette république considèrent et reconnaissent le fléau de la violence et de la criminalité au sein même de l’éducation dans les familles.
On veut réformer l’école pour pallier des carences qui ne lui appartiennent pas ! C’est juste une autre façon de brasser de l’air pour dire que l’on fait des choses. Les ressources qui préparent les enfants à l’apprentissage, la connaissance, la culture, la créativité, le savoir vivre ensemble, l’empathie et l’altruisme se puisent seulement dans la nourriture affective qu’ils reçoivent en amont aux côtés d’adultes respectueux et empathiques.
Prévoir des budgets pour informer et « former » les parents au métier de parent et tous les autres citoyens, serait certainement beaucoup plus bénéfique que de dépenser des milliards à vouloir réformer un système qui tourne en rond en restant aveugle sur cette réalité qui est pourtant des plus évidente.
Aucun homme qui a grandi dans le respect, l’attachement et l’affection ne peut se transformer en massacreur de l’humanité.