Les qualités d’un bon témoin lucide

Les qualités d’un bon témoin lucide
Monday 06 November 2006

Chère Madame Miller, chère Brigitte,

C’est avec une certaine appréhension (toujours la peur du rejet…) que je vous réécris après mon mail de ce 30.10 (Enft rebelle).
Ma crainte de ne pas trouver le bon thérapeute me pousse à vous demander encore un avis. N’est-ce pas abuser ?

Mais avant cela,je vous remercie vivement déja pour votre encourageante réponse du même 30.10. Enfin des personnes qui osent s’impliquer et dénoncer l’aveuglement général, et qui proposent un moyen, si douloureux et dangereux soit-il parfois, de remédier à nos maltraitances et souffrances.

Entretemps, j’ai réussi à visiter de nombreux documents de votre site. Les articles, les interviews, et surtout le courrier avec vos correspondants sont eux aussi encourageants (je ne suis pas arrivé à trouver votre mail du même 30.10 en anglais, mais avec tout ce que j’ai lu, je crois que j’ai suffisamment d’éléments pour achever de me convaincre). Bien que j’avais lu tous vos livres, je me rends compte à présent combien votre “découverte” est une véritable révolution, Madame Miller. Elle est tellement incroyable et difficile à admettre que je comprends que vous vous opposiez à ce qu’on signe le Manifeste pour le prix Nobel de la Paix d’Olivier Maurel. Vous êtes dans la position de tous les novateurs, toujours incompris inclus surement par les membres de son Comité.
Une FONDATION ALICE MILLER, si elle était créée un jour, le recevra peut-être plus tard…A moins que les gens que vous aurez éclairé n’arrivent (avec l’aide d’un internaute-centralisateur?) à vous décerner entretemps leur PRIX POUR LA VIE ET LA PAIX…

Ma crainte à présent : Malgré elle, je suis bien décidé à chercher un Nième thérapeute, et ce sans perdre de vue le genre de questions de votre liste FAQ. Vous vous doutez de la difficulté de l’exercice pour des inhibés qui manquent de liberté et d’audace
verbale, avec leur peur d’être incompris ou rejetés encore une fois. J’ai trois rendez-vous. Ma demande téléphonique pour y avoir un
thérapeute empathique qui accepte de m’accompagner dans les profondeurs des émotions a étonné. J’ai donc un peu peur qu’on refuse de répondre à certaines questions, sous prétexte de vie privée, ou qu’on me rassure superficiellement pour que je me croie à la bonne adresse à la fin de l’entretien, et découvrir plus tard qu’encore une fois, rien ne bouge. Car jusqu’içi personne n’est parvenu
à me faire éprouver des émotions, pleurs ou autre catharsis qui seraient enfin libératoires si je ne me trompe (?)

Ce blocage est sans doute dû au fait que, depuis la prime enfance, je n’ai survécu qu’en m’adaptant à force d’attention, de vigilance et donc de rationalisation (le faux adulte ?). Comment un(e) psy pourrait-il me faire bouger ? Que lui faudrait-il pour être capable de susciter, à force de petites questions empreintes d’empathie, les émotions enfouies et/ou de vieux traumatismes, s’il n’a pas lui-même vécu d’aussi anciens traumas que celui du client ? Comment vérifer, sinon par plus de questions dérangeantes, qu’il sera capable d’aller avec moi plus loin que mes souvenirs conscients d’enfant mal aimé souvent rejeté et battu, d’aller si besoin jusqu’à son abandon à deux ans et jusqu’à ses dix ans en Pensionnat lointain, ou encore à cet enfant qui n’était pas désiré dans un couple banqual qui allait divorcer peu après, et qui est né difficilement sans vie après qu’on ait tenté de s’en débarasser par avortement (ceci de l’aveu de ma mère avant sa mort).

Puis-je vous citer un exemple ? Récemment, dans un Atelier créatif anti-déprime où on nous a proposé de travailler avec de la terre glaise. En manipulant celle-ci sans intention délibérée, je voyais que j’avais inconsciemment conçu une forme grossière qui semblait pouvoir être une ébauche d’une statuette d’une mère avec son petit enfant s’accrochant à ses jambes. Je n’ai pas eu le courage de continuer le travail, me contentant de faire une femme assise, seule. Quand j’ai parlé de cela à ma thérapeute actuelle (Rebirth), elle n’a eu aucune réaction. N’aurait-elle pas dû en profiter pour me questionner, me faire dire ce que cela me rappelait, quelle émotion venait à la surface,etc.?

Il me semble que je dois aussi me méfier de mon “scénario”, car outre l’Enfant soumis qui cacherait l’Enfant rebelle, il y aussi un Père persécuteur comme on dit en Analyse transactionnelle semble-t-il, qui a tendance à ce que je me punisse moi-même ou n’arrive pas à m’endormir si j’ai réussi quelque chose pour mon évolution ou bien-être.Un père qui me dirait “Tu n’as pas le droit, et tu devras faire ce que moi je veux. Tu n’as le droit que de taire”. Vous le voyez, j’ai difficile d’y voir clair…Qu’en pensez-vous ?

A propos de témoin lucide, je n’ai pas bien compris, Madame Miller, si c’est bien Mr Stettbacher qui a été le vôtre comme je le croyais après l’un de vos derniers livres (bien qu’il ait commis l’erreur de préconiser une thérapuie sans accompagnement si besoin)
ou si ce sont vos peintures (vers 1973 ?) qui vous ont permis d’y voir clair ?

Je vous renouvelle toute ma gratitude pour votre dévouement et vous présente mes chaleureuses salutations. R.H.

Réponse de Brigitte:

Vous avez tout le discernement nécessaire pour bien choisir votre thérapeute et vous connaissez tout à fait vos besoins pour vous sentir bien accompagné par lui. Les doutes de votre compétence à trouver la bonne personne, sont probablement cristallisés dans cet horrible abandon que vous avez vécu à deux ans pour le pensionnat et qui n’a fait que vous convaincre que vous ne valiez rien, même pas mériter une mère qui veuille de vous.
Si jusqu’ici vous n’avez pas pu sentir une émotion c’est que vous êtes confronté à des thérapeutes qui en ont peur et vous l’avez très bien compris aussi. Il est absolument indispensable d’avoir rencontré la souffrance de son enfance pour accompagner efficacement un patient dans ces douleurs là et vous pourrez très vite vous en rendre compte s’il a la capacité de s’indigner devant les faits que vous lui raconterez.
Vous y voyez très clair au contraire, ce père persécuteur que vous décrivez est tout à fait réel dans votre histoire, il ne voulait pas de vous, comment a t-il pu vous accueillir dans la vie dans ces conditions?
Je vous propose de lire ou re-lire l’article sur “L’indignation, une ouverture pour la thérapie ” et vous souhaite une bonne continuation. BO