Briser la confiance en soi
Sunday 16 November 2008
Bonjour Alice,
Je suis en thérapie depuis 2 ans et demi.
J’ai 28 ans.
Les fils se sont dénoués peu à peu.
Les dernières résistances tombent.
J’ai longtemps eu peur. Idée d’être une victime potentielle, en fonction du bon vouloir des autres de m’aimer ou pas, d’avoir envie de me faire du mal ou non.
Je n’ai évidemment verbalisé cette peur que récemment.
J’étais angoissée. Je ne m’aimais pas. Me sentais mal dans ma peau. Hypersensibilité. Méfiance. Importance démesurée accordée à l’autre.
Ca remonte moins à l’enfance qu’au début de l’adolescence.
Cette peur a été cristallisée par une agression sexuelle à 14 ans par un garçon de ma classe.
Il me terrorisait. J’étais incapable de me défendre. Il a mené une véritable campagne contre moi au collège, de façon perverse.
Il m’a coincée un jour dans la cour, a glissé sa main dans mon pantalon.
Il a fallu du temps pour comprendre que cette agression n’était pas l’origine de mon mal être.
L’année suivante, j’ai commencé un régime et ai perdu beaucoup de poids. Je me suis mise à extrêmement bien travailler à l’école. J’avais besoin de contrôle. J’ai mis ma santé en danger.
Ma mère était dépressive je pense. Elle est en tous cas de nature déprimée, ce que la plupart des gens ne soupçonnent pas, tant l’importance pour elle d’être en scène et aimée est vitale.
Mes parents ne s’entendaient pas. Ou elle ne s’entendait pas avec lui, ce qui revient au même, au final.
Elle s’est mariée tard et s’était engagée dans l’église plus jeune. J’ai tendance à penser qu’il y a comme une faute qu’elle a besoin d’expier en se tenant à l’écart du bonheur.
Une fois en âge de comprendre, je suis devenue sa confidente.
Elle m’a cannibalisée. J’étais son déversoir émotionnel. Son otage, partie d’un triangle malsain où je devais choisir mon camp. Je l’ai choisie elle.
J’ai probablement culpabilisé de ne pouvoir l’aider. En ai voulu à mort à mon père parce que je le voyais, et qu’elle me le présentait, comme notre bourreau à toutes les deux.
Mon père, quant à lui, ne savait pas contrôler ses impulsions.
Nos confrontations se sont faites plus violentes avec mon adolescence.
Il y a eu des crises de rage. Des menaces physiques et verbales. Des insultes. De l’agressivité.
Il m’a menacée de mort, pointé un couteau sous le nez, tenté de m’étrangler, insulté de feignasse si je ne faisais pas assez de choses à la maison, de pute la première fois que je me suis maquillée.
Frappé ma mère aussi. Une fois. Je n’ai pas assisté à la scène. C’est elle qui m’a montré la marque.
Je me rappelle ses gesticulations. Ses yeux injectés de sang. Il se frappait la tête. Secouait ce qui était à portée de main. Absence de contrôle. Irrationnalité.
Ne pas toujours savoir ce qui provoquait ces crises. Craindre les raz de marée.
Et puis il est mort.
J’ai eu beaucoup de mal à gérer sa mort.
Comment pleurer un homme qu’on a détesté…
De là cette peur d’être humiliée, blessée à tout moment et de ne pas pouvoir me défendre.
Des difficultés à faire confiance, à me jeter dans la vie avec optimisme, à croire en la solidité des liens affectifs.
De là également la dépendance, paradoxale, à l’approbation de l’autre.
De là finalement le désamour de moi.
Quelquefois encore je doute de cette maltraitance. Ou je l’oublie. Et puis les symptômes reviennent. Et il faut reprendre le travail. Laisser sortir la tristesse, la colère.
S’étonner aussi de ne pas avoir voulu mourir, tant la solitude était forte.
J’ai fait beaucoup de chemin depuis le début de ma thérapie.
Ma vie est remplie.
Je vois quelqu’un depuis pas mal de mois, viens d’être promue au travail, essaie de nourrir mes amitiés, développe mes centres d’intérêt.
J’ai cependant encore peur quelquefois.
Ces derniers jours par exemple, ca revient.
D’où le besoin d’écrire je suppose.
Mais je sais que c’est temporaire. J’ai confiance en tout le travail qui a été fait dernièrement. En mes acquis.
Voilà.
Un besoin de témoigner sur le long chemin de la thérapie, ses bienfaits.
Réponse de Brigitte:
Vous avez vécu dans une ambiance familiale tellement perturbée et chaotique auprès de vos parents très malades qu’il est tout à fait compréhensible que vous n’ayez pas trouvé le courage de vous défendre dans cette agression sexuelle. Ils vous ont figé dans la terreur de leurs actes et vous ne pouviez que subir l’abus de pouvoir du plus fort. Heureusement qu’aujourd’hui vous osez regarder en face la cruauté de ces individus qui vous permettra sans aucun doute de récupérer la confiance en vous qu’ils ont voulu anéantir. Aussi longtemps que vous ne douterez pas de leur brutalité et de leur désamour, vous garderez votre vie remplie de tous vos propres bonheurs. BO