La psychanalyse nous enferme dans la culpabilité

La psychanalyse nous enferme dans la culpabilité
Wednesday 17 September 2008

Bonjour,

je viens de lire votre dernier livre “Ta vie sauvée enfin” et je vous lis aussi depuis longtemps. Je dois vous dire que je me pose de sérieuses questions quant à l’attitude qu’un thérapeute devrait adopter face aux révélations qu’il entend de la part de ses patients. Je suis en psychanalyse depuis 4 ans et il est vrai que j’ai souvent été indignée par l’attitude neutre de mon analyste face aux sévices terribles que je lui racontais avoir vécu de la part de ma mère. J’ai toujours ressenti cette culpabilité dont vous parlez dans votre ouvrage, lorsque je sortais de chez mon analyste, après avoir donc exprimé toute ma colère envers ce que je vivais alors enfant. C’est incroyable cette capacité que l’on a de préserver le lien avec notre bourreau en clivant l’objet en bon et mauvais et en niant cette partie mauvaise de l’objet pour ne préserver que le bon objet intériorisé. Mais alors, si c’est à une neutralité de la part de l’analyste que je suis confrontée, je vois bien qu’un problème se pose ici. J’ai fini par croire que mes parents m’ont aimé mais à leur facon, en me frappant, en m’ignorant, en me ridiculisant. J’ai appris à comprendre pourquoi ils étaient malades psychiquement et donc incapables d’aimer comme les autres parents (et là je vois que les autres parents ont aussi leurs propres conflits).
Enfant, je pensais toujours que mes vrais parents étaient morts et qu’ils étaient au ciel et qu’ils me protégeaient d’en haut. Je rêvais que quand ma mère me frappait si cruellement, ma vraie mère au ciel pleurait avec moi et que j’étais donc une enfant adoptée…et j’étais mal tombée d’avoir été choisie par des parents aussi mauvais et méchants. J’ai finalement compris que ma mère est incapable d’aimer quiconque. Ce n’est pas par hasard que j’ai pleuré lorsque en lisant votre livre vous écriviez que tous ces mécanismes ne cherchent finalement qu’à nous protéger de la douleur de reconnaitre qu’on n’a jamais été aimé. Mais alors, ne peut-on pas affirmer comme me l’a dit mon analyste, que ma mère qui n’a jamais été aimée a reproduit ce qu’elle a vécu avec moi et que finalement, elle n’a reproduit que ce qu’elle savait de la facon d'”aimer” un enfant? Elle était malheureuse dans con couple avec mon père et se défoulait sur nous, ses enfants. Je me demande seulement si elle nous a aimé du mieux qu’elle pouvait avec ce qu’elle avait vécu elle-même (sans nier le fait que battre un enfant est inadmissible et grave) ou alors si elle ne nous a finalement jamais aimés car on ne l’a jamais aimé…Dans les deux cas, qui serait la victime? elle ou moi?
Je suis actuellement au doctorat en psychologie à Montréal et je souhaite moi-même devenir psychanalyste plus tard. Je réfléchis donc sérieusement à l’attitude à adopter face à tous ces sévices vécus dans l’enfance. Je ne veux pas faire semblant de croire à une théorie psychanalytique juste pour me faire accepter en tant que membre d’une société. Je veux avoir mes propres réponses par rapport notamment à la pulsion de mort que vous contestez d’ailleurs aussi. Pouvez s’il vous plaît m’en parler davantage? pourquoi reniez-vous la pulsion de mort?
J’aimerai aussi profiter pour vous féliciter pour ce magnifique livre et aussi pour “Le drame de l’enfant doué” qui m’a permis de comprendre ce qui m’a menée à vouloir être en psychologie.

Je vous remercie infiniment pour votre temps, et vous prie d’agréer l’expression de mes sentiments les plus distingués.

AM: Il n’y a pas de pulsion de mort mais il peut arriver que l’on veuille mourir si on a été meurtrie et que personne n’est venu à notre secours.

Réponse de Brigitte:

Vous avez absolument raison et votre corps vous le confirme très bien quand il réagit fortement par l’indignation face à la neutralité du psychanalyste. Comment peut-on rester sans réaction au récit dramatique des sévices de votre mère? Vous l’avez très bien expérimenté, en vous sentant coupable de ressentir de la colère contre elle tout comme jadis quand elle vous laissait entendre que c’était à cause de vous qu’elle agissait ainsi.
Ce n’est pas parce qu’elle était malheureuse en couple qu’elle vous frappait mais pour se préserver de sa douleur d’avoir été maltraitée elle-même, elle s’est vengée sur vous de son propre passé.
Vous ne pourrez que tourner en rond dans ces théories psychanalitiques qui vous amènent dans la confusion en voulant comprendre qu’elle n’a pu vous transmettre que ce qu’elle a hérité. En plus d’être dangereux puisque c’est la meilleure façon de reproduire ce que l’on a reçu, vous ne pouvez pas être du côté de la petite fille qui a tant souffert et qui a tant besoin d’exprimer enfin toute sa rage qu’elle a dû supprimer. En fait on vous demande encore de comprendre votre mère et de refouler toujours vos émotions!!!.
Vous êtes victime d’une mère qui n’a rien voulu savoir de son passé et qui vous a torturé pour garder ses illusions. BO