L’enfant battu et l’église
Thursday 11 May 2006
Bonjour Madame Miller,
Je me permets de vous écrire pour une deuxième fois. La première fois vous vous êtes donné la peine de me répondre ce qui m’a fait chaud au cœur. Cette fois je veux vous remercier de vous êtes penchée sur cette réalité d’enfant battu. Vos livres sont le reflet de ma vie. Il y a des fois ou je lis des paragraphes et j’ai l’impression que vous êtes la seule personne au monde qui me connaît vraiment. Je n’ai, malheureusement, jamais rencontré durant mon enfance d’accompagnateur-témoin alors, c’est vous qui jouez ce rôle aujourd’hui. Jamais je ne pourrai vous remercier pour tout le réconfort que vous m’apporté au travers de vos livres. Plus je lis vos livres plus je me sens libérée. Je viens de terminer un chapitre dans votre livre « Libres de savoir » et qui porte sur les déficiences cérébrales sur les bébés battus. Lorsque vous mentionnez que le « stress aboutit à la destruction des neurones nouvellement formées et de leurs connexions » je peux vous en parlez longtemps. Étant continuellement battue étant jeune j’ai eu beaucoup de difficulté à assimiler mes premières années au primaire et j’ai toujours eu de la difficulté à retenir les enseignements des professeurs. J’étais tellement fatiguée que je m’endormais durant mes cours. Je n’arrivais pas à me concentrer. Ma mère a tenté de me faire passer pour malade mentale mais, Dieu merci, le médecin traitant a reconnu le problème mais n’a rien fait pour le corriger.
Les enfants battus n’arrivent jamais à être complètement heureux car ils traînent une blessure si profonde qu’elle ne se referme jamais. Je commence à peine à me libérer de ce poids que je traînais comme un ballot car, personne dans mon enfance n’a eu le courage d’essayer de me protéger. Ma mère qui avait subi des sévices dans sa jeunesse et qui avait besoin elle aussi d’aide était laissée à elle-même seule donc, toute sa frustration et sa solitude se transformait en haine vis-à-vis moi.
Vous savez les gens, surtout au Québec, était soumis au clergé et à ses représentants et ceux-ci durant les offices religieuses ne cessaient de répéter aux femmes qu’elles devaient faire leurs devoirs conjugaux sans égard à leur bien-être. Les religieux étaient des hommes qui ordonnaient aux femmes de se plier aux exigences de leurs maris tant du domaine sexuel que tout autre. Ces femmes n’étaient pas toujours heureuses et devaient endurer car elles devaient gagner leurs paradis. Vous savez que les prêtres disaient aux femmes que si elles avaient 12 enfants elles avaient une couronne au Ciel et, que si un de ses enfants devenaient prêtres ou religieuses elles iraient au Ciel. Combien de jeunes filles et garçons ont été obligés de rentrer en communauté pour faire plaisir à leurs parents; comment ne pas se demander pourquoi des milliers d’enfants ont été battus par ceux-ci.
Vous êtes la seule qui a osé parler en faveur de l’enfant mal traité et pour cela je ne pourrai jamais assez vous remercier.
Respectueusement vôtre,
G. M.
AM: J’étais très touchée par votre lettre et je vous en remercie de mon plein coeur. C’est vraiment le plus grand scandale que l’Église encourage aux châtiments corporels et fait croire les fidèles que Dieu a plaisir de voir tous ces enfants maltraités. Comment peut-on prier un Dieu si cruel? Je vous felicite d’avoir compris cette absurdité.
Réponse de BO: votre témoignage montre très bien comme l’adulte dispose totalement de l’innocence d’un enfant en utilisant la menace et les coups jusqu’à ce qu’ensuite il reste persuadé sa vie durant, qu’il peut être condamné s’il ne suit pas les dogmes d’une institution ou d’une autorité.
La peur était si grande devant nos bourreaux que nous ne pouvions qu’obéir et cette soumission forcée reste gravée en nous en pensant toujours qu’en exauçant l’injonction, l’autre (ou Dieu) peut se montrer reconnaissant ou indulgent avec nous.
Vous nous montrez très bien les dégâts d’une éducation criminelle. Je vous remercie, Brigitte.