L’influence de la religion
Monday 13 March 2006
Chère Madame Miller,
Comme la plupart de ceux qui vous écrivent, je veux témoigner de la révélation qu’a été pour moi, la lecture de vos ouvrages. Arrachée subitement de mes ténèbres, elle a permis de libérer en moi des forces inconnues.
Concentration, détermination, empathie- toutes capacités nouvellement retrouvées.
J’ai 56 ans et une vie entière derrière moi à tenter de me délivrer par moi-même et par d’autres, ces thérapeuthes-éducateurs de leur patient infantilisé dont vous parles avec tant de vérité, plutôt que témoin bienveillant, de mes chagrins, des mes larmes incontrolables venant à temps et à contretemps, des drames qui alourdissent ma vie et celles de mes enfants (dépression, drogues, délinquance/quasi-criminalité, problèmes de concentration, violence etc.)
Je pense que votre expérience de vie, votre souffrance et surtout votre intelligence à approfondir dans tous ses recoins le mal font de vous une authentique scientifique .
Vos découvertes et vos conclusions, marchent.
Lorsque l’on pose le regard que vous suggérez de poser, la vérité apparait enfin, libératoire.
J’ai découvert la mécanique hautement perverse et sophistiquée qui a été mise en place dans ma famille, par mes père et mère et leurs proches.
Comme je suis l’ainée de six enfants, j’ai eu dans ma petite enfance et ma jeunesse maintes occasions de constater la brutalité sournoise et sans raison apparente de ce père, réputé très honnête homme, bon chrétien et bon citoyen, et surtout l’indifférence complice et redoutable d’une mère, catholique ultra-pratiquante, tous deux absolument au-dessus de tout soupcon.
Couple modèle dans la petite ville de province où se trouve un séminaire pour prêtres catholiques tenus par les Clercs St-Viateur, où nous résidions, il aurait été impensable pour moi, de prétendre me plaindre.
Bien que j’aie choisi d’entrer dans la même profession que celle de mon père, l’idéalisant sans doute, à l’époque où j’ai fait ce choix de vie, toute ma vie a été un cri de révolte.
Choix d’avoir des enfants hors mariage, avec deux hommes de couleur mariés avec enfants, des enfants coup de poing comme m’a dit ma thérapeute, je redoute avoir fait subir à mes propres enfants un sort encore plus indésirable que celui que j’ai moi-même subi.
La différence avec moi, c’est que mes enfants m’ont vue sans cesse, doutant de mes capacités de mère qui étaient nulles étant donné le peu que j’avais recu, tentant de me remettre en question. Mais ca ne ramène pas les choses, ne leur donne pas un père, une famille, une réputation.
J’ai été la seule parmi mes frères et soeurs à avoir ce cheminement à rebours, les autres continuant à idéaliser ces parents; inutile de dire que j’ai été mise au ban de la famille, qu’on m’impose une rigoureuse censure lorsque par malheur on se trouve en ma présence; mais je garde en mémoire une phrase de vous qui dit que ceux qui auront fait l’effort d’affronter les blessures de l’enfance sauront trouver une voie salvatrice.
Je passe beaucoup de temps à écrire; à lire; mes pensées s’éclaircissent, mes opinions politiques aussi; ici au Québec, je vois de plus en plus clair au travers du sentiment nationaliste qui a vu le jour vers les années 60; je comprends maintenant de quoi cela est fait.Votre analyse du phénomène du nationalisme en lien avec ces blessures de l’enfance me sont apparues d’une limpidité fulgurante. Avec vous, tous les liens s’établissent. Je vous en suis reconnaissante.
Vous avez parlé du 4e commandement de Dieu et vo! tre analyse a mis en cause l’existence même de la pensée millénaire de l’Eglise, surtout catholique.
Je trouve que les églises en général ont une grande part de responsabilité dans la permanence des violences faites aux enfants. En moulant les consciences à leur guise, elles nous rendent aveugles.
Ici, au Québec, l’Eglise catholique romaine a exercé une influence tellement prégnante, que 50 ans après une révolution dite tranquile où la plupart des québécois ont abandonné leur pratique religieuse, nous n’avons toujours pas pris la mesure de l’effraction subie dans l’inconscient collectif.
Actuellement, nous avons ici, le plus haut taux de suicide au monde.
La violence est tellement passée dans les moeurs qu’elle passe inapercue, la plupart du temps.
Il y beaucoup de travail à faire.
Il m’arrive souvent de citer votre nom et vo! tre oeuvre dans mes interventions individuelles sur l’espace public, surtout celui de la radio de Radio-Canada et j’aimerais que votre rayonnement soit plus grand encore qu’il ne l’est.
Soyez remerciée pour votre prophétique contribution au soulagement de l’humanité.
J. F.
AM: Je vous remercie beaucoup pour votre temoignage si fort et clair. Vos reflexions sur la religion ne me semblent pas du tout être une fuite de votre souffrance causée par vos parents. Au contraire, elles approfondisent même votre description de l’atmosphère qui reignait dans votre famille et que vous montrez avec autant de lucidité. La maltraitance de l’enfant est sans doute la consequence de la cruauté laquelle on a subie et refoulée mais je pense que les religions renforcent encore ces habitudes cruels. Je ne connais pas même une religion qui n’encouragerait pas les parents à battre les enfant “pour leur bien”.