Se sentir redevable des parents

Se sentir redevable des parents
Wednesday 05 September 2007

Bonjour,

Je suis actuellement plongée dans votre livre “notre corps ne ment jamais”.
Je ne peux que vous encourager dans votre démarche. Bien des maltraitances sont tellement non perceptibles par l’entourrage, mais, et surtout oubliées par les victimes.
Oubliées n’est bien sûr pas le terme exact, mais mises dans un coin de leur tête, qui elle commandera le corps toute la vie sans que personne ne relie ces maux à leur origine.

J’ai vu plusieurs thérapeutes. J’en suis toujours avec ces problèmes d’angoisse, de phobies, etc. …, etc . …
J’ai fait connaissance il y a un peu plus d’un an, d’une thérapeute qui m’apporte une aide différente. Seulement, je ne savais où cela allait me mener. Je ne regrette pas, il fallait que j’y aille, mais trois mois après avoir commencé ce travail de reconstruction avec cette thérapeute, (c’est elle qui m’a conseillé votre livre) je me retrouve avec des phlébites à répétition.
J’ai soigné ma grand mère toute mon enfance des mêmes maux. J’ai été très marquée (j’ai 53 ans) par cette période à tel point que je rapprochais le traumatisme ressenti dès ma 1ère phlébite à ce vécu.

Aujourd’hui, au vu de votre livre, beaucoup de mes certitudes volent en éclat.
De plus, la personne avec qui j’ai entrepris ce travail de reconstruction me dit (je résume) que la phlébite c’est la circulation sanguine de retour. Or, la circulation de retour, c’est l’Amour qu’on reçoit. Alors m’a-t’elle dit : acceptes tu de recevoir de l’Amour, le reçois tu bien, reçois-tu ce que tu veux recevoir ? …. Avec votre livre en plus, … BINGO.

J’ai vécu un inceste avec le frère de ma mère. Ce problème, je dirai aujourd’hui, je pensais l’avoir réglé. J’ai beaucoup travaillé dessus. C’est un énorme traumatisme, d’autant plus que j’avais ce qu’on appelle un trou noir et les souvenirs ne sont revenus qu’en analyse. Cela a été un choc, j’ai toutefois pu après un travail épuisant sortir un peu la tête de l’eau. J’ai rendu ce problème à cet oncle, je lui ai rendu visite et ai pu lui dire les choses qui m’ont délivrées.

Seulement, tout n’allait quand même pas pour le mieux. Une scène concernant ma mère, qui n’utilisait pas la brutalité physique, me harcelait depuis des années. Trop sensitive, trop émotive dit-on de moi. Cette scène, j’avais 5 ou 6 ans, j’étais élevée par ma grand mère maternelle ( la mère de l’oncle qui m’a abusée, non pas par pénétration vaginale, mais par fellation, scène au cours de laquelle je suis tombée en syncope). Lors de ma 1ère distribution des prix où j’avais ce qu’on appellait à cette période le prix d’excellence (1ère), ma grand mère me préparait pour que, je cite “je sois belle pour ma mère, il fallait qu’elle soit fière de moi”, comme si le fait d’être la première de classe n’était pas suffisant. Je me souviens de ces douleurs lorsqu’elle peignait mes cheveux, elle tirait dessus pour faire des petites queues sur les côtés de la tête, mais les cheveux n’étant pas grands et ma grand mère tirait dessus comme pour les allonger. J’étais vraiment quelqu’un d’indigne car je ne prenais pas le temps de “souffrir pour être belle” pour ma mère. C’est ce que j’ai entendu. La scéance de coiffage terminée, nous nous sommes mises en route pour cette distribution des prix. Ma mère n’était toujours pas arrivée. Ma grand mère me faisait patienter. Elle me disait “ta mère a un peu de retard, elle va arriver”. Et arrive le moment où on m’appelle. Pendant tout ce temps, je regardais si ma mère arrivait. Et bien sûr, comme vous l’imaginez, elle n’etait pas là lorsqu’on m’a remis mon prix. Ma déception était tellement forte qu’aujourd’hui encore, je ne peux dire si elle est vraiment venue après comme elle me l’a assuré. Je ne me souviens de rien. J’ai fait barrage.

Seulement, ma mère, je me rends compte encore aujourd’hui, n’a jamais été là lorsque j’ai eu besoin d’elle. Je ne parle pas de mon père car lui est tombé malade très jeune et je ne me souviens pas de grand chose le concernant. Il est décédé, j’avais 14 ans.

Alors, ce qui me “bouffe” aujourd’hui, c’est cette contradiction entre le ressenti que j’ai concernant ma mère qui n’a su avoir de gestes, de paroles, de comportement aimant avec moi et cette impression qu’elle ne comprenait pas le mal qu’elle me faisait. Elle faisait beaucoup de choses contre moi, comme remettre mon fils à son père (j’étais en divorce) sans rien me dire lorsqu’elle l’avait quelques jours chez elle et mon fils se faisait violer (sodomie) par le père. Cela je l’ai su après. Bien sûr et heureusement, elle n’était pas au courant de ce que mon fils vivait, mais elle n’avait pas le droit de décider seule de le remettre au père, sans mon autorisation alos que j’en avait la garde et qu’ elle savait que j’aurais refusé.
J’ai été démolie par ce comportement, cette indifférence de ma mère, cette non assistance à personne en danger, tant pour moi que pour mon fils. Pourtant, mon fils, elle l’adore. Alors, inconscience de sa part ? Mais les faits sont là.
Lorsque, pendant mon divorce, mon premier mari, brutal, me jetait dehors en petite tenue, je l’appelai pour qu’elle m’aide à rentrer chez moi car lui gardait mon fils en otage. Et les seules paroles que ma mère prononçait devant le père étaient “tu dois te sacrifier pour ton garçon”. Et elle me laissait là. Et j’en passe, car des monstruosités, il y en a à devenir folle.

Aujourd’hui, Je suis remariée. Mon mari après une période de bonheur, me laisse complètement et continuellement en danger sans réagir, comme si je n’existais pas. Mes deux filles que nous avons adoptées, m’ont pratiquement mises dehors de chez moi. Savez-vous les paroles que mon mari a eues envers moi “c’est toi l’adulte, c’est toi qui dois mettre de l’eau dans ton vin”. Bref, je suis au point de départ. Toujours les mêmes situations qui se répercutent.

Alors que dois-je en déduire ? Je me sens redevable d’un respect envers ma mère, je ne veux pas par des paroles dures la blesser, la tuer. Pourtant elle, elle n’a pas eu de pitié pour moi lorsqu’il fallait m’aider et qu’elle m’a délaissée comme ça. Elle ne se sent absolument pas responsable. Elle a fait ce qu’elle a pu me dit-elle. Et c’est vrai qu’elle n’a pas eu la vie heureuse. Voila ce qui me bouffe. Je ne sais pourquoi, mais je me sens redevable envers elle.

Mon mari actuel a élevé mon fils. Je n’ai plus qu’une envie, faire enfin ma vie. Ne plus être cette victime, rire à nouveau, bref, vivre. Mais je me retrouve au même point qu’avec ma mère : je me sens tellement redevable envers lui que je suis complètement bloquée.

Bref, avec mon 1er mari, j’ai été humiliée, détruite moralement, avec mon deuxième mari, j’ai renouvelé l’expérience que j’ai eue avec ma mère.
Je suis tout à fait consciente de tout cela, mais…. je n’arrive à pas me débarasser de ce poids.
J’aimerais tant me libérer et commencer enfin une vie paisible, où je serai enfin ce que j’ai envie d’être ….. respectée.

Excusez ce long mail, mais j’en avais besoin.
Merci pour tout votre travail.

Réponse de Brigitte:

De nombreuses personnes se retrouvent dans la même confusion que vous en se perdant à vouloir comprendre les raisons du parent et en rentrant même dans une certaine pitié, surtout quand celui-ci est devenu vieux. Cette démarche nous pousse aussi à minimiser toutes les cruautés que nous avons endurées et en même temps nous nous éloignons des souffrances que nous avons réellement vécues. Autant de temps que vous serez de son côté à essayer de la comprendre, vous ne pourrez comprendre et avoir de la compassion pour cette petite fille que vous avez été et qui a tant souffert de son absence et son mépris. Peut être que ce respect dont vous vous sentez redevable n’est que de la peur d’être vraiment celle que vous souhaitez vis à vis d’elle. Cette peur est celle du petit enfant qui risquait gros si vous aviez osé d’être enragée contre elle, aujourd’hui vous ne risquez rien d’ouvrir les yeux sur la réalité de cette femme. BO