“Alice Miller vous ne faites pas votre boulot”
Sunday 18 November 2007
Chère Alice Miller.
Je vous avoue que vous êtes l’une des rares personnes (avec Brigitte :o) ) pour laquelle j’éprouve du respect (ou ce qu’il en reste après le ravage qu’on fait mes parents de mes émotions.) Cela vous paraît peut-être exagéré, mais j’ai le sentiment d’avoir quotidiennement face à moi une étendue sans limite d’aveugles, de sourds et de muets. J’en faisais évidemment parti avant de vous avoir découverte.
J’ai longtemps réfléchi à ce sujet, me disant que personne n’était responsable de ce que leur avaient fait leurs parents. Puis je me suis demandé comment MOI, j’en été arrivé à vous connaître. J’ai fait votre connaissance en effectuant une recherche sur internet concernant le livre Parents Toxiques de Susan Forward. Je me suis demandé pourquoi moi, et pas mon frère ou ma soeur, vous ai découverte. Je me suis demandé pourquoi l’attitude de mes parents me scandalise depuis plusieurs années (j’ai 20 ans) alors que mon frère et ma soeur ne semblent rien avoir à redire à la dictature paternelle. Je me suis demandé pourquoi ma famille, qui voyait défiler mes parents et avec leurs trois enfants dont toute flamme de vie avait été depuis longtemps soufflée, ne s’est pas posé de question sur notre bien-être. Je me suis demandé pourquoi mon prof de français, devant lequel j’ai fait une crise de panique en lisant un texte en classe, n’est pas venu me parler après pour me demander ce qu’il se passait. Je me suis demandé pourquoi je refusait de croire que les jeunes des banlieues étaient des animaux qu’il fallait civiliser à coup d’autorité, de recadrage militaire, de répression, alors que tout le monde autour de moi ne faisaient preuve d’aucune empathie pour eux. Je me suis demandé pourquoi François Bayrou avait grimpé dans les sondages après qu’il a administré une gifle à un enfant (des banlieues…). Je me suis demandé pourquoi les êtres les plus éduqués de la société, les plus influents et informés n’ont jamais, ne serait-ce qu’effleurer le sujet de la violence ordinaire dans les familles. Je me suis demandé pourquoi cela ne gênait personne que les causes qui ont amené Hitler au pouvoir par les urnes existent tout autant qu’en 1933.
Je n’ai aujourd’hui aucune réponse. Je me refuse de croire que quasiment tout le monde commet le crime d’omettre de se demander s’il est bon de considérer ses enfants comme des animaux de compagnie, comme des titres boursiers, comme des biens, comme rien. Bien sûr je pose mal la question. Personne n’a l’impression de considérer ses enfants comme cela. Je me suis alors demandé : que faire ? J’ai en effet besoin de savoir s’ils sont tous coupables ou s’ils sont tous innocents. Je ne suis personne pour en décider, mais j’ai l’immense besoin d’avoir la réponse à cette question, à ces questions. Je suis sûr qu’elle existe cette réponse.
C’est quand même dingue, mais vraiment complètement dingue. Pourquoi est-ce que moi je me rends compte de ça alors que le président des États-Unis n’est même pas conscient de ce que j’exprime dans ce message. Je vous avoue que je suis presque obligé de me pincer pour y croire.
Alors, j’en suis venu à me poser des questions sur vous, Alice Miller. Je me suis demandé quelle pouvait être la raison pour laquelle le président des États-Unis n’était pas au courant de la vérité la plus importante de ce monde, alors que moi je le suis. Là je me suis dis que vous ne faisiez pas, mais alors pas du tout, votre boulot. J’ai éprouvé une telle indignation à l’égard de ce que je perçois de mon point de vue comme de l’immobilisme criminel. Je me suis demandé comment la femme la plus admirable qui n’ai jamais existé reste elle-même aussi inerte que le reste de la population aveugle, sourde et muette. Je me suis alors dit que vous espériez sûrement toucher la population par vos livres, que vous espériez que la tendance lourde de ce XXIème siècle allait à la reconnaissance des attentes envers les enfants. Mais manifestement, depuis votre premier livre il y a plusieurs dizaines d’années, rien n’a changé. Il m’a alors traversé l’esprit la possibilité que mes parents aient lu vos livres avant ma naissance. Je me suis dit que vous étiez infiniment plus coupable qu’eux, car eux étaient ignorant du mal qu’ils me faisaient, alors que vous, vous en étiez totalement consciente. Je me suis dit que vous étiez coupable de milliards de destructions de vie du fait de votre inaction. Puis là, je me suis dit, comme par réflexe de survie, pour ne pas mourir de terreur, qu’il devait y avoir une explication, que votre apparente inaction n’était qu’apparente. Pour me rassurer, je vous ai imaginé telle une croisée partir à la conquête de la prise de conscience de l’humanité des mutilations qu’elle s’auto-inflige, à une génération d’écart. Mais alors, si cette Alice Miller est si combative et brave, pourquoi ne vous ai-je découverte que grâce à un lien vers votre page dans un obscur site inconnu de psychologie ? Pourquoi Alice Miller n’a t-elle pas changé le monde depuis toutes ces années ? Pourquoi la femme en qui toute mon espérance se place est aussi la cause de la plus sévère déception que je n’ai jamais connue ? Je me suis demandé pourquoi on ne voyait pas éclore de dauphin d’Alice Miller, ou une armée de femmes et hommes que vous auriez formée pour mettre fin à l’indicible quantité de souffrance qui naît chaque jour.
Je vous avoue que je n’ai pas trouvé de réponse. Je ne sais pas pourquoi je suis là à vous écrire plutôt que de continuer ma vie d’insecte au sein de ma famille, je ne sais pas pourquoi les êtres les plus éclairés (les prix Nobel de la paix par exemple) ne parlent pas de vous, je ne sais pas pourquoi vous, chère Madame Miller, vous n’avez pas en 25 ans réussi à mettre l’humanité au courant.
J’ai 20 ans, dans trois ans je sortirais de l’école Polytechnique. Je suis prêt à vous donner ma vie, à donner ma vie à la diffusion de votre découverte. Je suis prêt à faire parti de cette armée que vous avez le devoir de constituer. Mais que faîtes vous ? La puissance du sentiment d’espoir que vous avez éveillé en moi ne demande qu’à se communiquer. Mais aidez-moi.
Je me fait ici le représentant de l’humanité : que faites vous ? Que faites vous ? Votre silence nous crève les oreilles.
S’il vous plaît, démentez toutes les pensées négatives que j’ai à votre égard. Ne me dites pas que vous êtes pas en train de commettre le pire crime qui n’ai jamais existé, crime de non-assistance à humanité en danger, pas vous s’il vous plaît.
Avec tout mon amour,
AM: Vous me posez des questions que je me pose moi même depuis plus de 25 ans: Pourquoi il y a si peu de gens qui ont pu comprendre les choses les plus simples, les plus évidentes et primordiales et pourquoi les autres n’arrivent pas à les comprendre et ne s’y intéressent même pas.
Qu’est ce que je peux faire en plus d’avoir écrit 13 livres, des articles, des tracts, donner des interviews, répondre aux questions des lecteurs, écrire des lettres urgentes aux deux derniers Papes, au Président Bush et aux divers gouvernements sans recevoir de réponse? Aucune miséricorde pour les enfants maltraités chez les DEUX Papes que j’ai informé moi-même sur les effets désastreux des châtiments corporels exercés aux petits enfants.
Si vous avez une proposition à me faire écouter, faites la.
Prochainement sera installée sur ce site une conférence de Brigitte O en vidéo, j’espère que cela va réveiller l’empathie pour les enfants maltraités mais la plupart des gens ont grandi sous la terreur de leurs parents et ont dû tuer très tôt cette empathie. Leur cerveau semble ne pas avoir la capacité de compassion pour l’enfant et sans cette capacité on ne peut pas comprendre ce que je continue d’écrire et d’expliquer.
Pour ces gens là, tout cela est comme si je parlais chinois. On reste dans le schéma de la pédagogie noire où les parents sont toujours innocents quoiqu’ils fassent.
Les médias parlent de “l’Amok” dans les écoles comme d’une mode sans qu’une SEULE personne n’ose se poser des questions sur l’atmosphère familiale dans laquelle ces gens ont grandi pour qu’ils décident d’assassiner froidement des camarades de classe.
Ni la police, ni les professeurs, ni les gens du gouvernement ne se posent des questions, comme si poser des questions était interdit, comme si on craignait de nous laver la bouche au savon.
Je vous remercie beaucoup de votre lettre . Comme vous faites partie d’une nouvelle génération, il se peut que vous pensiez à des idées que je n’ai pas encore élaborées et je serai très intéressée de les connaître.