Sortir de la prison de son enfance

Sortir de la prison de son enfance
Friday 08 December 2006

Madame Miller,

Je n’ai pas lu vos livres mais je compte le faire depuis que j’ai
récemment découvert votre site. En effet, je trouve que votre travail
est un pas en avant incalculable pour le bien-être des personnes et
leur guérison – et à plus grande échelle pour la fin de la violence sur
terre. C’est incroyable comme vous me paraissez avoir raison, parce
que j’ai essayé depuis quelques années (à 37 ans aujourd’hui) de
sortir d’une souffrance que je n’identifiais pas (ou ne voulais pas
identifier). Mais mon corps, mon esprit, me rappelaient toujours plus
fréquemment des mots, des images d’humiliations et blessures
morales infligées par ma mère de façon répétée. Tout cela dans un
climat incestuel et malsain. Et pourtant je me refusais à voir le lien
entre mon mal être et ces humiliations. Et je n’écoutais pas mon
corps, mon esprit me rappeler incessamment les mots douloureux
entendus, comme s’ils me disaient : “Mais regarde, enfin !”.

Et puis un jour où ma mère est allée trop loin, ayant des paroles
violentes vis-à-vis de mon fils, je lui ai dit que ce comportement
devait cesser, que nous ne la verrions plus si cela durait. Et je me suis
sentie infiniment mieux. Comme si je m’étais enfin ‘”fait justice”. J’ai
eu droit à du chantage affectif par téléphone, une non remise en
cause et des insultes sur mon répondeur, ainsi qu’à une tentative de
suicide de ma mère (presque réussie selon ses dires) et dont la cause
selon la psychiatre de l’hôpital m’avait été attribuée par ma mère. Eh
oui, elle n’avait plus de jouet sur lesquels se défouler : moi, et
accessoirement mon fils.

J’ai longtemps été dans la confusion, j’ai même dû lutter et travailler
sur moi pour arriver à me défendre contre le père de mon fils, qui m’a
harcelée des années en utilisant mon fils.

J’ai aidé ma mère après sa tentative de suicide, elle avait réussi à me
culpabiliser et je le regrette, car elle a repris une emprise sur moi, je
pensais à une remise en cause de sa part mais non. Les attaques et
les tentatives de séduction (carotte-bâton, carotte-bâton… )étaient
habilement mêlées, comme avant… Puis surtout le bâton, car je
commençais à y voir clair et réagissais. Les attaques s’amplifiant, j’ai
écris il y a quelques jours une lettre à ma mère pour exprimer ma
colère vis-à-vis d’elle, de ses agissements. C’est la première fois que
je laissais libre cours à ma colère. Et ce qui me dégoûte le plus, c’est
qu’elle laisse maintenant des messages sur le portable de mon fils, en
se faisant passer pour la victime, en essayant encore de me
culpabiliser, me disant que malgré toutes les humiliations qu’elle a
subies de ses parents elle ne leur a jamais rien reproché.

Conclusion : je dois en faire autant, d’après elle. Aucune remise en
cause de sa part, je lui ai juste fait du mal… Eh bien, je suis
affreusement écœurée, car on me boycotte dans ma famille, j’ai osé
rompre la loi du silence qui règne pour “sauver les apparences” dans
cette famille où je suis mal, où personne n’a rien fait pour m’aider ou
me protéger quand j’étais petite et où rien ne se dit. Alors que je sais
très bien qu’il y a eu des incestes dans la famille, que c’est pour ça
que mon grand-père fait une dépression, et je vous assure, que
j’aimerais bien organiser une grande thérapie familiale car quand je
vois toute cette souffrance de mon grand-père et des autres étouffée
par la volonté de faire comme si tout allait bien et qui laisse se
perpétuer d’autres souffrances…

Enfin, le plus important, c’est que depuis ma lettre à ma mère, je
retrouve le goût de vivre, mon sentiment de dépression a totalement
disparu et je retrouve des envies d’entreprendre et de créer, j’ai
retrouvé ma meilleure amie d’enfance par hasard il y a quelques
jours, et tout s’enchaîne pour moi de façon très positive, je ne fais
que de bonnes rencontres en ce moment. Et tout ce que vous dites et
que je pressentais, finalement, s’avère vrai. Tant que l’on ne s’écoute
pas et n’écoute pas les raisons de sa souffrance, on ne peut que
continuer à souffrir. Pour moi le premier pas a été de les reconnaître,
le deuxième de rompre le lien avec ma mère que je considère comme
“voleuse de ma vie”. Je ne peux même croire que tous ces
agissements sont inconscients tant tout est bien manigancé pour me
détruire (il y a même eu une tentative d’enfermement en hôpital
psychiatrique pour me prendre mon fils…).

Si ce que vous dites pouvait être enseigné dans les écoles, le monde
irait bien mieux… J’essaierai de faire connaître vos idées autour de
moi.
Un grand merci du fond du cœur et pardon de m’être autant étendue.

S.A.

Réponse de Brigitte:

Votre parcours montre bien combien le chemin est long avant de croire que le parent qui nous a abîmé durant toute notre enfance reste cruel tout au long de sa vie. Combien faut il de tentatives d’agressions sur un enfant pour cesser de l’exposer à son agresseur? C’est la peur de l’enfant jadis qui nous empêche de protéger nos propres enfants aujourd’hui, c’est pourquoi nous pouvons poser des conditions : “nous ne la verrions plus si cela durait”. Aussi longtemps que nous resterons prisonnier de notre enfance nous continuerons à sacrifier nos enfants à des grands-parents qui continuent sans scrupule leur rôle de bourreau.
Votre famille vous rend un grand service en vous “boycottant”, cela vous permet de rester les yeux ouverts sur la réalité de ce qu’ils vous ont fait subir et sur ce qu’ils sont, c’est de cette façon que vous gagnerez votre liberté mais certainement pas en organisant une grande thérapie familiale.
En exprimant votre colère à votre mère vous êtes sortie de votre dépression, vous avez là, dans vos mains le sens de votre vie.
Bonne continuation. BO