Ma mère ne me respecte toujours pas

Ma mère ne me respecte toujours pas
Thursday 17 April 2008

Chère Madame Alice Miller

C’est par le conseil de ma psychothérapeute que je vous ai lu. Quel choc salutaire, quelle libération puisée dans vos propos, ( depuis 3 ans) à un double niveau: personnel forcément , et collectif , pour comprendre l’état de la société , des relations en général et de mes relations avec les autres ; ma part , leur part.

A force de vous lire et relire , en conjuguant aux échanges thérapeutiques , j’ai pu mesurer le fonctionnement humain selon le système de répétition jusqu’à ce que l’on comprenne ( l’avoir vu sur des détails sans en comprendre l’inéluctable profondeur) , ET le déni des souffrances, pour soi et donc aussi pour les autres . Constater ce déni chez tant de personnes.

Il m’aura fallu attendre d’être arrivée à un point de rupture, suffisamment déconstruite et sans recours ( ne plus savoir quoi faire du tout) pour appeler au secours un psychothérapeute . = m’avouer ma détresse, ma solitude mordante Je mesure profondément la nécessité du témoin secourable : incontournable; pour se supporter , supporter ce qui est , se délier .

Car alors même que l’on cherche à savoir certaines choses résistent. Quel soulagement de voir formuler certaines de mes intuitions d’enfant – pensées partielles , refoulées mais pas complètement (avec qui les partager ?) : que la mère ne veut pas toujours le bien de son enfant, que la thèse de Freud ( Oedipe) tourne à vide . Vous parlez presque toujours des cas extrèmes , terribles; il y a aussi ceux très nombreux des mauvais traitements plus ordinaires qui nient , humilient, ignorent, dénient l’autre, ses sentiments …… , ou par
imaturité des parents… et brisent tellement l’élan vital, bloquent les vies .
Ma mère a été d’une grande brutalité verbale et d’une grande violence psychologique avec moi; un de mes premiers souvenirs ( vers 4 ans ) est la conscience qu’elle n’avait pas de disponibilité pour moi . En réaction j’avais horreur qu’elle me touche , et je ne disais rien de ce que je sentais ou pensais. Il y avait aussi des claques , mais surtout son ton exédé, ses explosions, et un non respect de tout : traitée comme un objet. J’étais turbulente, agitée, seule, dépressive dès 7ans, ou 8 – je pleurais sans pouvoir arrêter et me cachais. C’est l’âge où sans vraiment de raison , pour me punir de quelques maladresses à enfiler ( vite ) des collants elle m’a appris la mort de mon frère alors que je n’étais pas née. Elle m’a fait comprendre très très tôt qu’il fallait ne rien lui demander , et je n’ai su que très tard qu’il était possible de demander de l’aide à quelqu’un ( 25ans , 30ans ? ), juste l’entretien minimum pour ne pas trop le montrer : nourriture et habit, et encore : trop de nourriture , des habits non choisis, jamais très seyants , et les remarques ” tu as encore sali ceci, si tu crois que je suis ta bonne “. A plusieurs reprises (vers 12 ans ) elle m’a dit sans témoin et en associant mon père ” on fera tout pour tes soeurs, mais pas pour toi ” ; je ne sais pas si mon père le sait. Plus tard elle
trouvait toujours quelque chose pour détruire ce qui pouvait faire que j’aille un peu mieux , tout en se lamentant quand cela n’allait pas .
Systématiquement dans l’opposition, le rapport de force elle essaie encore aujourd’hui de manipuler , et depuis que mon père est à la retraite elle cherche à ce qu’il prenne sa défense contre moi lorsqu’il
m’arrive de lui faire des remarques. Il est impossible de parler à mon père seul, elle le suit , et lui ne veut pas la laisser … même quelques minutes , c’est ce qui se passe quand je suis là.

Mon père lui était peu là, travaillant tard; assez absent du lien et coincé dans un système moral assez rigide; il n’intervenait que peu, pour sermonner, mettait des choses à notre disposition sans rien nous
demander . Mes réactions réfractaires à ma mère et en général lui ont fait me dire “avec ton caractère personne ne voudra de toi “, vers 14 ans . Depuis toujours, j’entends dire qu’il donne des coups de pieds en
dormant, lui si conciliant, et soumis le jour. J’ai compris en vous lisant combien les limites des parents pouvaient les rendre égoistes et sourds , et paralyser l’élan vital . J’ai toujours eu la hantise de ma mère et de la non réaction de mon père.
Sur qui compter ? Adolescente je voulais changer de parents!
Je me suis éloignée et ils savent très peu de ce que fais et de qui je suis . Je n’ai pas d’enfant car longtemps le souvenir du cauchemar de l’enfance et d’ après m’ en a empêché . Comment infliger cela à
quelqu’un? Maintenant je pense différemment.
Les liens sont si corrompus, et mes soeurs ont copié cette attitude: ma mère ne me respecte toujours pas, sa manière d’être est excécrable . J’ai commencé à dire des choses un peu , et elle réagit en caricaturant
( elle parlait en permanence de ma soeur , et maintenant plus du tout) , mais son attitude se décale et elle trouve une autre manière d’être blessante, m’ignore, ou me contredit, délaisse ce que je lui offre , dénigre ce que je crois. En fait c’est impossible de discuter par son attitude est un refus , de moi.
Je les vois peu, mais je n’ai pas couper les ponts. Je ne sais ce qui me pèse le plus: cette demi-mesure , l’idée de m’exprimer vraiment, ou celle de ne plus les voir, même mal. Mais quand je rentre de chez eux des douleurs, une fatigue, une envie de rien…
Une chose est sûre, leur manière d’être m’a minée 43 ans ; une grande partie de mon énergie a servi à juguler un desespoir cyclique dont je ne comprenais pas la raison ni l’intensité.

En comparaison , comment oser prendre sa souffrance en compte quand les faits sont plus ordinairement destructeurs ? Comment aider ceux qui relativisent toujours leur souffrance par rapport à la grande misère ,
et n’arrivent pas à voir pour eux mêmes , à se libérer? Où trouver une marche intercallaire? Où se trouve la limite de la maltraitance Depuis que je vous ai lu j’écoute mon corps de mieux en mieux, pour
décripter les messages . Le processus est sidérant de justesse, et s’accélère dans la prise de conscience.
La difficulté est grande , d’accéder à ce que notre corps nous dit quand tout est si mélangé, et d’ interpréter sans méprise. Evoluer entre paranoïa et lucidité; cette limite est si facilement manipulable . Quel désarroi d’avoir eu aussi à lutter pour voir les interférences avec le psychothérapeute. Je vous remercie mille fois de
vos mises en garde.
Je suis partie, soulagée d’avoir rompue ce rapport doux et de pouvoir! , mais ai-je fini ce travail ?

J’enseigne la musique à des enfants de 5 à 25 ans environ: un quart environ ont des soucis sérieux, leur corps absent le montre : voix cassée, sens rythmique défaillant, évitement de la relation , mollesse générale, inattention , mémoire et réactivité très lentes. Le contact physique permet de réparer un peu pour les plus jeunes , et pour les plus grands quand ils l’acceptent : par le jeu des pieds et des mains en ronde pour danser, en frappant deux par deux ; ou encore je les touche sur les épaules à la vitesse des rythmes ( c’est le +
efficace)
Que faire d’autre?
J’ai lu avec attention toutes vos analyses sur les écrivains , artistes et dictateurs.
Avez -vous déjà écrit sur Heidegger ? Sa pensée est exceptionnelle, car elle n’est pas que pensée , l’art y tient son rôle vital , et ne correspond pas à ce qu’une majorité de gens disent de lui. Que savez vous de son existence ? pourquoi une partie des universitaires s’acharnent à ne pas entendre sa parole et ceux qui l’ont dédouaner, et à transformer les faits ?
Vous demandez de vous signaler des peuples sans violence. Connaissez vous le livre de Éric Julien sur les Indiens Kogis de Colombie ” Le chemin des neuf mondes “, Albin Michel , Clés essais. ” Kogis” le message des derniers hommes Soigné et sauvé par les Kogis il a crée une association : Tchendukua ici et Ailleurs
je parle de vos livres et de votre site autant que possible Mille mercis
Et beaucoup d’admiration

AM: Vous trouverez ce que j’ai écrit sur Heidegger dans mon livre “La connaissance interdite”. Concernant l’enfance chez KOGI je vous cite une information très significative en anglais que vous pouvez trouver aussi en français sur Google.

Kogi Mamas are chosen from birth and spend the first nine years of
childhood in a cave in total darkness learning the ancient secrets of
the spiritual world or Aluna. They are the priests and judges who
control Kogi society.

All major decisions and shamanic work are done by Divination. All is
the world of Aluna, so the Mamas see a reflection of the physical world

first in the spiritual world. If Aluna is the Mother, then the Kogi
listen to the Mother by divining. This lost technique of divination is
what keeps the Kogi world in balance and order.

http://www.crystalinks.com/kogi.html

Réponse de Brigitte:

Après avoir vécu une enfance totalement méprisée et ignorée votre mère continue encore aujourd’hui à 43 ans à vous traiter sans aucun respect, de façon exécrable en refusant entièrement votre personne ce qui vous cause des douleurs et vous enferme dans un état dépressif. Autant de temps que vous attendrez le respect de quelqu’un, vous resterez dans la peur de vous défendre pour gagner le respect de votre propre personne.
Vous êtes la seule à pouvoir vous donner ce respect que vous méritez et tant que vous supporterez la haine de votre mère vous resterez son déversoir. C’est évident que vous avez grandi sous terreur avec des parents persécuteurs, mais aujourd’hui vous êtes libre de ne plus supporter toute cette méchanceté et ce terrorisme qu’ils vous infligent. Vous n’avez RIEN A PERDRE. BO