Ne rien vouloir voir

Ne rien vouloir voir
Tuesday 04 November 2008

Bonjour Brigitte et Alice,

J’ai lu “Le drame de l’enfant doue” il y a une dizaine d’annees.
Comme je suis comedienne de theatre, en faisant des recherches en Mars dernier, je suis tombee sur votre travail Alice a propos de Tchekhov via internet. C’etait tres interessant.
Puis, jai entendu les emissions radiophoniques auquelles vous avez participe Brigitte ainsi que ce merveilleux document filme ou vous parlez des emotions de l’enfant et des brimades qu’il subit constamment.
Je vous remercie d’avoir le courage et la sincerite de remettre en question les mecanismes au sein d’une therapie ou souvent, le patient – et client – se sent bouffe par la toute-puissance du specialiste.
Et de nous eclairer sur le respect, l’amour, la comprehension que nous parents, nous nous devons entendre a l’egard de nos enfants, ces personnes d’aujourd’hui et de demain.

J’ai 40 ans, je suis actuellement une therapie de couple avec mon partenaire. Nous avons une petite fille de 3 ans et demi, nous sommes francais et vivons a Londres depuis sa naissance.
Cela fait un an que nous allons voir une therapeute franco-anglaise et je ne vois pas le bout du tunnel.
Pour moi, cette therapie etait urgente puisqu’il s’agissait d’etablir une relation humaine entre mon partenaire et moi pour stopper la violence verbale de la part de mon parteaire, pere de ma fille.
Quand nous etions un couple dans une vie a deux, il pouvait tomber dans des coleres terribles. Apres une breve separation de six mois que j’ai eu le courage d’initier, nous nous sommes revus. Lui habitait Londres, et moi la France. Avec cette distance, il m’a semble qu’il etait ouvert, pret a entendre ce que cette colere indiquait en lui, il disait qu’il voulait connaitre les enjeux de cela.
J’ai donc cru que c’etait possible. Puis je suis tombee enceinte, nous desirions avoir un enfant ensemble.Je suis alors venue en angleterre, notre fille est nee, j’ai eu une cesarienne.
Cela m’a traumatise, je voulais tellement vivre un accouchement naturel qu’apres cela, c’est comme si j’attendais que mon enfant sorte d’entre mes jambes.
Je pense que l’isolement aussi, le fait d’etre expatriee n’a pas aide, je me suis petit a petit refermee sur moi tout en restant vivante pour ma fille.
L’autre chose c’est qu’il pouvait avoir des crises de colere, il pouvait me traiter de “malade” ou de “folle” les nuits quand notre fille se reveillait, que je l’allaitais, que je passais des heures la nuit pour qu’elle se sente bien et puisse s’endormir a nouveau. Depuis l’age de ses sept mois, elle se reveillait 8 a 10 fois la nuit. Je l’ai prise dans notre lit mais la encore il s’y opposait disant que ce n’etait pas sain.
Aujourd’hui, elle a donc 3 ans et demi, elle continue de se reveiller la nuit 2 a 3 fois, elle m’appelle ou vient me voir. Je peux la prendre avec moi ou aller l’endormir dans son lit.
Ce qui est grave c’est que l’entourage – mon partenaire, la famille…- me disait de la laisser pleurer, ce que j’ai fait pendant une semaine. Elle a pu pleurer deux, trois heures, mon coeur se dechirait mais j’ai accepte dele faire, soumise a mon partenaire, j’ai ete un vrai monstre pour elle. En vous ecrivant, il m’apparait urgent d’ailleurs que je le dise a ma fille.
La chose horrible c’est qu’il me degrade verbalement en presence de ma fille. Il m’ait donc arrive de pleurer devant elle et meme de reagir a mon partenaire par la colere.
Apres chaque chaos de ce genre, je parle a ma fille, je lui dis que cela ne la concerne pas, qu’elle est en dehors de cela, que son papa l’aime et sa maman aussi pour qu’elle ne se sente pas responsable. Mais comment ne pas penser que bien sur, elle se prend ces schemas dans son etre tout entier.

La therapeute met en exergue que je n’ai pas accepte la separation du pere, que cela est essentiel pourtant, que je suis tres fusionnelle avec elle, que cela remonte a ma relation avec ma mere.
Cinq ans avant d’avoir ma fille,a l’age de 30 ans, j’ai debute une therapie en France car je me sentais en souffrance par rapport a ma mere, elle habitait le sud de la France avec mes parents, moi Paris, je pleurais depuis des annees par crise, je me sentais comme un bebe, je reclamais ma mere. Au cours de cette psychotherapie analytique, je vais un jour chez mes parents, ma mere m’insupporte, tout ce qu’elle dit me sort par les trous de nez et un soir, alors que mes parents dormaient, j’ai eu peur de m’endormir parce-que j’avais l’impression que ma mere pouvait venir me tuer deguisee en sorciere mechante. Je precise que ma mere a ete toujours d’une douceur extreme avec mes trois freres aines et moi, les gens la qualifient de “Vierge Marie”.
L’image de cette sorciere, de cette mere qui peut me tuer est encore vivante en moi. Je me suis sentie liberee en quelque sorte et je detecte aujourd’hui ces moments ou inconsciemment elle veut me ramener a elle.

Quand je rencontre mon partenaire il y a 12 ans, j’ai un souvenir qui apparait. Alors que je sens son sexe en erection sur ma jambe, je me souviens de mon frere aine qui un soir dit a ma mere qu’il veut me coucher, il est dans mon lit puis en parlant avec lui dans mon lit, je sens mon bas de pyjama tombe jusqu’a mes chevilles. Je lui demande alors qu’est ce qui se passe et lui de me repondre ” Ah non, je ne sais pas, ce n’est pas moi”. J’avais trois ans.
Quand cet evenement refait surface dans ma vie ( j’ai alors 28 ans), je vais voir mon frere, age de 11 ans de plus que moi. Mon deuxieme frere etait present au cours de ce diner ou je lui relate cela. La premiere chose qu’il m’ait dite est ” Tu t’en rappelles?”
Puis quelques mois plus tard, il me dit qu’a ses 6 ans, son parrain, oncle par alliance l’avait touche en lui donnant le bain.
Je mets a peu pres deux a trois ans pour realiser que mince! mes parents etaient responsables de ce qui s’etait passe dans leur maison. Jusque la, je les protegais en ne leur devoilant rien. Alors, je prends mon courage a deux mains et un soir – un soir de Noel d’ailleurs ou j’etais seule avec eux – je leur revele l’histoire. Je voulais aussi savoir si eux-memes n’avaient pas connu d’attouchement par une personne de leur famille. Ils sont desoles, me disent qu’ils n’ont jamais vecu d’agressions sexuelles.
Et depuis ce temps, la vie a repris son cours c’est a dire que c’est comme si rien ne s’etait passe. Pas de discussions ou d’indignations, rien.
Pour ma part, j’ai arrete de communiquer avec mon frere aine pandant quelques annees.

Depuis que je connais mon partenaire, depuis le debut de notre relation, je vis un mecanisme de rejet et d’attirance avec lui. Je suis chaude-froide en alternance. J’ai l’impression de l’aimer puis plus du tout, je le desire, ca se passe bien puis apres je prends le large…cela depuis 12 ans quand meme…
Ajoute qu’il est colerique et non respectueux de ma personne par ses insultes, je me referme encore plus, comme un escargot dans sa coquille.
Idiote que je suis, j’ai cru qu’apres une breve separation, il pourrait changer tout en ne realisant pas que mes allers-retours de chaud-froid le faisaient aussi souffrir.

Avec la maternite, le “gap”, l’ecart s’est creuse entre lui et moi. Il n’a rien change a sa vie, je m’occupe de ma fille seule tres souvent.
J’ai aujourd’hui l’impression, d’ailleurs ce n’est pas une impression, je m’ensable dans cette relation. Et surtout, j’entraine aussi ma fille dans cette relation ambivalente, dans cette relation de violence, de degradation de ma personne en sa presence.

La therapeute que nous voyons depuis un an nous fait faire un travail d’introspection de nos vies. Mais aujourd’hui, mon partenaire se sert de ce qui se dit en seance, il me traite de nevrosee , que je suis une victime qui se complet dans cette nevrose de chaud-froid, que je suis meprisante a son egard.
Lui-meme a vecu, une agression sexuelle a l’age de 6 ans par un etranger dans la rue alors quil allait acheter des bonbons, il a baigne dans un univers familial violent ou ses parents se battaient, s’insultaient.
Il y a un mois, j’ai dit en seance de therapie a la therapeute que je ne comprenais pas ce fonctionnement d’ellaborer des introspections simultanees, que je n’avais pas confiance en mon partenaire. Alors, elle m’a propose de venir la semaine suivante seule. J’ai parle de mon pere avec qui j’avais eu ce degout physique quand j’etais enfant.
Elle m’a dit que j’etais encore sous l’emprise de mon pere.

Je voudrais me separer de mon partenaire mais n’y parviens pas, il me dit que je lui ai vole son sperme, que je lui vole son enfant.
Alors comment se depatouiller de cette histoire qui est la mienne, comment trouver le courage de cela car je pollue ma fille a rester dans cette relation.
Ce soir, alors que je racontais une histoire a ma fille dans son lit, je lui demandais ce qui l’avait reveillee la veille dans la nuit. Elle me dit qu’elle avait fait un mauvais reve ouil y avait des gens qui voulaient la tuer avec un revolver et qu’il y avait une machine avec un trou dans lequel elle etait aspiree, q’elle n’etait plus a Londres ni a Paris, qu’elle etait nulle part – ce sont ses mots.

Coment parvenir a faire entendre a mon partenaire que nous ne pouvons plus pietiner l’enfance de notre fille?
Tout cela me deprime profondement et des que je suis seule chez moi, je pleure et c’est comme si j’etais disloquee, je ne parviens plus a me mettre debout ou a me dire ” bon, ca y est, c’est fini, passe a autre chose”, je ne peux plus et je suis encore terrorisee par les propos de menace de garde de notre fille par mon partenaire.
Il souffre lui aussi mais c’est comme si avec les annees, je n’avais plus d’empathie pour lui, c’est affreux. J’ai l’impression d’etre un monstre – pour ma fille, pour lui – et a la fois d’etre une victime.
Comment sauver la vie de ma fille? Tout ce que je lis sur la separation avec des enfants me freinent en meme temps – ils ont des desequilibres qui apparaissent a l’adolescence souvent – et pourtant, elle ne peut plus subir nos violences. Ce n’est plus possible.
Je vous remercie,

Réponse de Brigitte:

Je ne vois pas comment on peut avoir peur d’être tuée par une mère qui est d’une extrême douceur et que l’on qualifie de Vierge Marie!!!. C’est comme un blasphème pour la Vierge Marie!!!. BO