La maltraitance sous nos yeux

La maltraitance sous nos yeux
Tuesday 05 September 2006

Sujet : témoignage des traces de la pédagogie noire
Bonjour Alice et Brigitte. Le 2 septembre dernier sur un marché du
20ème arrondissement parisien très fréquenté, j’ai assisté à la scène
suivante :
Une dame fait ses courses, accompagnée de ses deux enfants, l’un en
poussette, l’autre, un garçon d’environ quatre ans, pleurant fortement à
côté d’elle. Un commerçant de fruits et légumes se moque assez
violemment, de façon insistante, en criant bien fort, visiblement pour amuser la
galerie : « Si ! Tu vas aller à l’école !! Lundi, tu vas à l’école !! »
Autour de lui on s’esclaffe de cet humour irrésistible… Peu après
l’enfant (toujours pleurant) et sa mère passent devant moi puis devant
l’étalage d’un charcutier qui s’exclame sur un ton sévère : « Bon !!
Tais-toi maintenant ! Ca suffit ! Tu n’as pas honte de pleurer à ton âge ? Si
tu continues j’appelle la police !! » et il commence là-dessus à
ricaner de sa bonne blague, suscitant autour de lui l’hilarité générale et le
sourire de la mère, tandis que le garçonnet s’est tu.
Exaspérée, après avoir observé ces brutes d’un œil furieux pour évaluer
leur réaction, je m’écrie : « Ah ! C’est drôle n’est-ce pas, de rire
aux dépens d’un enfant ! A dix contre un ! C’est très très drôle ! » L’un
des commerçants de la charcuterie m’entend et me regarde sans cesser de
rire niaisement. En le regardant droit dans les yeux je dis : « Bande
de lâches ! »
Là, il rit un peu plus jaune mais ne répond rien. L’incident s’est
clos. J’ignore si mère et enfants m’ont entendue car ils ont continué leur
chemin. Personne d’ailleurs n’a répondu : est-ce qu’au fond ils ne sont
pas très fiers d’eux ? J’espère que mon intervention n’a pas servi qu’à
soulager ma colère (d’ailleurs pas totalement car je suis restée assez
longtemps troublée par le souvenir de cette scène). Voilà comment on
amène les garçons à s’endurcir, avec la bénédiction des parents qui ne se
mouillent pas. Certes si cela avait été une fille, peut-être lui
aurait-on parlé de la même façon… C’est la première fois que j’assiste à ce
type de scène et là, c’était un garçon. Ces commerçants avaient le type
« France profonde », et étaient certes d’une génération plus marquée
par la pédagogie noire que les générations suivantes… Mais la réaction
quasi-approbatrice de cette jeune mère n’était guère rassurante… Et il
n’y avait pas que des « vieux » autour de moi : personne n’est intervenu
et n’a paru choqué. AL

Réponse de Brigitte:

A tous les coins de rues on peut observer un enfant se faire maltraiter par son parent et personne n’est affecté par ces scènes tragiques et douloureuses. Même si deux adultes se battent, un attroupement se fait pour les séparer et les raisonner mais pour un enfant rien de plus normal !
Nous avons grandi dans des conditions semblables et nous avons dû nous convaincre en nous coupant de nous même, que ces attitudes très destructrices étaient nécessaires pour obéir aux parents et se faire aimer d’eux.
Votre courage à vous être révoltée ne peut pas avoir donner des remords à ceux qui ont bafoué cet enfant parce qu’ils sont convaincus que cela ne peut avoir aucune conséquence sur lui mais au contraire que c’est pour son bien …
Il y a de quoi être en colère devant de telles démonstrations et même profondément remué, nous avons été nous-même offensés par des adultes malveillants et personne n’a pris notre défense. Nous gardons en mémoire ce mépris à notre égard et c’est seulement quand nous avons senti combien nous en avons souffert jadis que l’on peut réagir comme vous l’avez fait. Sinon nous l’utilisons à notre tour, plus tard sur des plus faibles que soi comme les personnages de ce marché.
Bonne continuation. BO