Nier son enfer
Sunday 08 April 2007
Chère Madame,
Je ne sais pas tout à fait qu’est-ce que je cherche en vous écrivant, mais je en ai senti le besoin quand j’ai vu toutes ces lettres dans vôtre page. Je ne sais même pas si vous comprenez le français, mais mes langues maternelles étant le catalan et l’espagnol, je crois que celle-ci vous sera plus proche, je ne sais pas.
Je ne sais même pas que vous dire.
Je suis une jeune femme de 30 ans, et j’ai une belle vie. J’ai un copain merveilleux et une rélation très douce avec lui, j’ai un travail fixe très bien payé et très agréable: je suis musicienne, et j’enseigne de la flûte au conservatoire. J’habite tout proche de la mer, et c’est si beau…
Et pourtant, je pleure tout le temps.
Même maintenant que je vous écris.
Mon histoire n’est pas une historie d’abus ou de violence, et parfois je ressents que je ne devrais pas me plaindre, puisqu’il y a des gens qui ont souffert beaucoup plus que moi.
On était pouvres chez moi, quand j’étais petite, et mon père travaillait beaucoup; il passait peu de temps à la maison. Je n’ai pas trop de souvenirs sur lui. Je crois qu’il était un bon home qui s’est fait écrasser par la volonté de ma mère. En tout cas, il n’a jamais bougé un doigt pour moi, plûtot au contraire. Ma mère est une femme très autoritaire, et qui, je ne comprends pas pour quoi, a toujours pensé que j’étais une mauvaise fille. Elle pensait tout le temps que je lui voulais du mal, et que je faisais tout pour l’ennuyer. Je ne garde pas un seul souvenir de ma mère qui soit bon. Elle se fachait par des riens, et elle me frappait parfois, mais ce n’était rien de grave. Ce qui m’a fait vraiment du mal c’est le coté “psycologique”. Je passais tout mon temps à essayer de me faire aîmer par elle, sans jamais y réussir. Je lui faisais des cadeaux, des surprises… je lui faisait un cadeau même pour le jour des amoureux parce que je savais que mon père ne lui en faisait pas. Pour elle, pourtant, je ne faisais que du mal. Elle restait toujours froide. Elle se méfieait de moi et pensait que je lui mentais toujours. Je n’ai jamais compris ça. Par contre, elle adorait mon frère, 5 ans plus agé que moi, et qui faisait tout bien, même s’il ne cherchait pas à la complaire et même si ses résultats à l’école étaient pire que les miens. Lui et mes deux grands-parents, sont les seuls qui m’ont donné des petits moments de bonheur dans mon enfance. J’avais très peu de jouets, qui devaient étre correctement rangés dans ses boîtes et qui ne pouvaient jamais être utilisés pour jouer, c’étaient seulement pour les voir. Je ne pouvais pas sortir de la maison pour jouer avec d’autres enfants, je n’avais pas des amis, (ça ne se passait pas comme ça pour mon frère, il sortait autant qu’il voulait) et à seize ans, quand j’ai vu les parents d’un copain de la bande de musique s’embrasser, j’ai vu par première fois dans ma vie que s’embrasser était une chose qui ne se passait seulement aux films. J’en étais fascinée.
A 20 ans, j’avais des problèmes pour socialiser, et j’ai dû, lentement, aprendre des choses si simples comme recevoir un geste d’affection ou un signe d’amitié. Je me sentais si mal à l’aise…
Je n’ai jamais compris pour quoi elle m’a fait ça. J’étais une fillette mignone, obéissante, toujours des félicitations à l’école… Mais j’avais des problèmes avec la nourriture qu’elle ne supportait pas. Je ne voulais jamais manger, je n’avais jamais faim, et j’étais toujours plus mince qu’un clou. Si je lui dissait: “j’ai eu 10 sur 10 en maths”, sa réponse méprisante était “un 10 à l’école, un zéro à table”. En plus, manger chez moi était un drôle d’affair: ma mère ne mélangeait pas même deux ingredients la plupart de fois, donc, on mangeait, où du riz, où des tomates, où de la viande (un seul type), et ainsi…
Les filles se moquaient de moi à l’école parce que j’étais beaucoup trop mince. Une de mes profs et aussi une des soeurs qui travaillait à l’école (bien sûr, c’était une école religieuse), ont compris quelque chose et on essayé de parler avec ma mère, mais elle leur répondait toujours “vous ne la connaissez pas bien, vous ne savez pas comment elle est vraiment”.
Pendant l’adolescence j’ai grossi un petit peu, mais parce que j’ai developpé une adiction aux bonbons et au chocolat qui m’a fait beaucoup de mal, et que j’ai mis des années à surmonter.
Elle s’opposait totalement à mes études en musique (où d’autres, n’importe; ce qu’elle voulait pour moi était le marriage et les enfants) et elle a mis toutes les encombrances qu’elle a pu pour me retenir.
Puis j’ai commencé à mincir et à mincir (j’ai perdu 10 kilos environ), j’ai commencé à avoir des problèmes avec la lactose, puis de l’anémie, puis les epistaxis que j’avais depuis ma première enfance se sont agravées et je saignais trois ou quatre fois par jour. Je ne pouvais rien faire. Comme ça, j’ai quitté l’Espagne et je me suis installée à Paris pendant un certain temps, avec l’aide monetaire de mon frère, et puis je suis rentrée en Espagne pour travailler à l’autre bout du pays, bien loin de mes parents. Toute la rage est commencée à sortir, et j’ai comencé à passer d’un medécin à un autre, et j’ai cherché des thérapeutes, mais rien n’a marché. Je sentais une rage, une haine… je ne savais si je voulais tuer mes parents ou me tuer moi même. Ou bien qu’ils m’aiment pour une fois.
Je suis toujours très faible, mon corps n’a prèsque pas de défenses, et je n’arrive pas à monter mon poids. Je mésure 1 metre 63 cm et je pèse un peu plus de 40 kilos, et en plus je dois tout le temps supporter que les médecins qui me visitent me disent que je suis anoréxique et que je leur ments, que je ne veux pas grossir… Mais je mange bien, et tout ce qu’il faut, mais rien ne me nourrit. En ce moment je suis avec un homéopate qui m’a dit que je souffre d’une malnutrition provoquée par une manque d’affection materne, et qu’il soupçonne que le refus de ma mère vers moi c’est produit déjà avant ma naissance. Pendant la grossesse. Et que la rélation entre la mère et la nourriture et aussi mon refus des produits qui viennent du lait, c’est bien claire. Je suive un traitement avec lui et avec une osthéopate depuis un an, mais il y a peu de progrès. Aussi j’ai commencé à dessiner des mandalas et à écrire sur tout ce qui m’arrive, mais beaucoup de fois je me sens perdue. Je me trouve en plus bloquée vers tout ce qui signifie la maternité, et je refuse d’avoir des enfants (mon copain le désire vraiment) et j’ai une sensation continuelle de dégout pour mes règles et ma femminité. Quand je pleure, j’ai parfois envie de vomir. J’ai aussi d’inéxplicables problèmes avec le sexe, qui sont apparus il y a un an environ et que je ne m’explique pas. Aussi j’ai perdu prèsque toute envie de jouir de la musique, et je ne joue prèsque plus mes instruments, sauf pour mon travail.
Et voilà, c’est tout, ça ne semble pas si grave vu comme ça, sur le papier…
Le conseil qu’on me donne toujours c’est d’oublier, de couper avec le passé, même de pardonner à mes parents, vu que tout ce qu’ils ont fait n’est pas sa faute à eux, déjà ils ont souffert avant moi. Mais je sens que ce n’est pas comme ça que je dois faire, parce que je le sens comme une violence vers moi même.
Il y a une partie de moi qui veut les oublier et les faire disparaître de ma vie, mais je ne suis sûre que ça fût la solution, parce que le problème est dans moi. Et il y a une autre partie, plus au fond, qui reste toujours à attendre que sa mère l’aîme, et je ne sais pas quoi faire avec ça. Dans mes dessins il y a souvent la figure ou le visage de quelqu’un (moi) avec les yeux fermés et qui pleure, ou une fille qui a son corps fait avec des larmes, et ce sont dessins qui me boulevèrsent.
Je ne sais pas si je peux oser vous demander un conseil ou même une réponse, parce que vous devez étre toujours très occupée, sur tout avec des gens qui ont des problèmes plus graves. Mais, si vous pouvez au moins me conseiller une lecture, une façon d’avancer, me dire si au moins je fais bien de penser à tout ça, en contre de tout ce qui me disent mes amis…J’ai une amie qui est psicologue et qui m’a dit que je dois couper avec tout et n’y penser plus, ou, en tout cas, leur balancer à mes parents toutes mes pensées et sensations et souvenirs. Comme si c’était si facile que ça. En plus, parfois j’ai essayé de leur faire voir quelque chose et je vois que ça leur fait rien, parce qu’ils pensent qu’ils ont fait tout parfait.
Je dois vous remercier, Madame, déjà pour avoir lu ma lettre, qui, sans doute, vous aura paru bien longue, et je vous prie d’agréer, Madame , l’expression de mes sentiments les plus distingués.
Carme
Réponse de Brigitte:
Comme votre histoire commence bien !!
Et pourtant en lisant la suite de ce que l’on aurait pu croire un conte de fée, on ne tarde pas à être totalement bouleversé en découvrant toute la cruauté que vous avez vécu dans votre enfance. Vous avez tellement reçu de mépris, de coups et d’humiliations de cette mère qu’il n’est pas étonnant que vous pleuriez sans cesse encore aujourd’hui. Vous êtes née d’une femme pour qui, vous n’étiez qu’une personne qui lui voulait du mal et elle a utilisé cette névrose pour vous détruire tous les jours un peu plus, c’est ignoble. Vous avez raison, vous n’auriez rien pu faire de plus pour qu’elle vous aime, votre présence suffisait à vous détester. Vous êtes la seule personne à croire que votre histoire est sans gravité parce que votre enfance est réellement tragique. Quand vous oserez la regarder comme telle, votre corps n’aura plus besoin de fonctionner en position de survie et vous donnera les kilos nécessaires pour vivre pleinement et avec force dans cette vie qui vous entoure déjà mais dont vous n’avez pas l’énergie pour la savourer. BO