Projet philosophique
Monday 27 February 2006
Chère Madame,
J’ai découvert votre livre, « C’est pour ton bien » Racines de la violence
dans l’éducation de l’enfant au cours de mes études de philosophie. Vous y
abordez des problématiques qui m’intéressent depuis plusieurs années : les
questions de la domination et du consentement étaient au cœur de mes travaux
de maîtrise et de DEA de philosophie ; et demeurent l’objet de mes
préoccupations.
Je souhaite aujourd’hui réaliser un documentaire consacré au thème de
l’origine de la « banalité du mal », en France notamment.
Le psychiatre et psychanalyste Christophe Dejours s’est largement intéressé
à cette question dans son livre « Souffrance en France » La banalisation de
l’injustice sociale (dont je peux vous faire parvenir un résumé, si vous le
souhaitez). Je ne sais si vous connaissez ses travaux, mais aimerais très
vivement connaître votre sentiment à l’égard de ses théories.
Christophe Dejours utilise l’expression arendtienne de « banalité du mal »
pour désigner les comportements de masse (et non de personnes). Il situe
l’origine de la banalité de l’injustice sociale, en France, dans le monde du
travail : c’est selon lui par la médiation de la souffrance au travail que
se forme le consentement à participer au système (qui réserve, pourtant, un
sort injuste aux chômeurs et aux « nouveaux pauvres » et qui, lorsqu’il
fonction! ne, génère en retour une souffrance croissante parmi ceux qui
travaillent). L’explication est la suivante : contre la souffrance engendrée
par les nouvelles (et difficiles) conditions de travail, cadres et ouvriers
déploient des stratégies de défense – d’où le contrôle, voire, la négation
de leur propre souffrance et a fortiori, de la souffrance d’autrui.
Les stratégies défensives élaborées pour lutter contre la souffrance
engendrée par les nouvelles formes d’organisation du travail seraient donc à
l’origine de comportements injustes et insensibles, de la banalisation de
l’injustice sociale.
Et de son point de vue, le processus de mobilisation de masse dans la
collaboration à l’injustice et à la souffrance infligées à autrui est, en
France, le même que celui qui a permis la mobilisation du peuple allemand
dans le nazisme.
Il me paraît intéressant d’interroger cette hypothèse à la lumière de la
votre, concernant la participation! de la majorité de la population allemande
dans le nazisme (à savoir celle qui suppose que les allemands ont alors
saisi l’occasion de se venger d’une violente éducation), et de se demander
si de même que des millions d’allemands avaient en commun une «
prédisposition » à être mobilisés dans le nazisme (liée à leur éducation),
les français ont une « prédisposition » à être enrôlés dans le processus de
banalisation de l’injustice sociale.
La question qui m’intéresse est donc la suivante : l’efficience d’un
processus de mobilisation de masse – quel qu’il soit – ne dépend t-elle pas
de la « disponibilité » du peuple à être mobilisé ?
Aussi s’agirait-il de rechercher l’origine de la banalité de l’injustice
sociale en amont des stratégies défensives destinées à lutter contre une
souffrance engendrée par les nouvelles formes d’organisation du travail –
soit, du côté d’éventuelles névroses infantiles que partageraient les
français, et qui rendraient l’ « efficacité » des nouvelles formes
d’organisation du travail et la banalisation de l’injustice qui en découle
possibles.
Je vous serais très reconnaissante de bien vouloir me communiquer votre
sentiment, à ce propos.
Je travaille actuellement sur un autre projet de documentaire qui occupe une
large partie de mon temps. J’espère cependant pouvoir vous donner plus de
détails concernant celui que je souhaite réaliser sur l’origine de la «
banalité du mal » au courant du mois de mars.
J’ai rencontré Christophe Dejours qui est, sur le principe, d’accord pour
participer à ce projet ; je souhaiterais savoir si vous seriez également
d’accord, sur le principe, pour y participer en acceptant, éventuellement,
une interview filmée.
Dans l’espoir que ce projet saura retenir votre attention je vous prie
d’agréer, chère Madame, l’expression de mes meilleures salutations.
S J
AM: Tous ces problèmes philosophiques ne m’interessent plus depuis que j’ai compris que nous tous (pas seulement les Francais, Les Allemands, les Japonais, les Chinois etc) apprenons à banaliser notre propre souffrance, la souffrance d’un enfant battu dans les premières 3 ans de notre vie, quand notre cervaux se construit. Or, un enfant qui a du apprendre de ne pas sentir sa douleur et la nier perd sa capacité innée d’empathie pour les autres. Et sans cette empathie tout est possible: le térorisme, les nazi, les crimes en series, les dictateurs. On peut récuperer cette capacité de compassion si on ose de chercher la vraie histoire de son enfance. Mais il y a peu qui la cherchent. Sinon, on peut biensûr se promener sans cesse dans les labyrints de la philosophie qui nous aide de ne pas trouver notre vérité douloureuse en nous consolant par les theories diverses. Si vous voulez, lisez mon livre “Notre corps ne ment jamais” pour mieux comprendre ces idées. Je ne donne plus des interviews.